AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Christw



"Dans l'écriture, le désordre et le débraillé me font horreur ! " (R Carver)

Je suis venu aux nouvelles de Raymond Carver par Ciseaux, fiction de Stéphane Michaka, qui raconte les démêlés de Carver avec son éditeur Gordon Lish et propose une profonde réflexion sur l'écriture, prise entre la fièvre de l'ambition et le couperet de l'édition. En attendant Ciseaux en commande, j'ai lu le recueil Les vitamines du bonheur qui reprend douze textes écrits entre 1980 et 1983.


Après lecture d'un premier récit, une question légitime serait: où veut-il en venir ? Carver raconte bien entendu des histoires mais pas au sens ordinaire, avec la présentation d'une situation initiale qui évoluerait vers une autre plus ou moins conclusive, heureuse ou non, assortie d'une chute surprenante voire d'une pirouette bluffante. Non: voici des gens pendant un laps de temps limité, qui vivent un moment de crise, s'y débattent et dialoguent, plan après plan, c'est brut et concis, puis l'auteur les plante, en laissant au lecteur le soin de leur imaginer un destin éventuel. Il y a du Yves Ravey chez Carver – l'inverse plutôt – même si l'Américain ne cherche pas nécessairement à induire le suspense.

L'article d'une inconditionnelle, Martine Laval, rapporte joliment comment Carver observe le monde alentour. Maître incontesté de l'ellipse, maniant l'art du mine-de-rien, "Carver écrit le silence, non pas celui de la sérénité, mais celui de l'abattement, de l'effondrement. Ses phrases semblent anodines, insignifiantes ? Faux. Au détour d'une virgule, elles annoncent l'imminence de la catastrophe. L'abandon, la trahison, la lâcheté. La solitude. le débrouille-toi. Personne n'y peut rien. C'est comme ça. C'est la vie."

On peut penser que Carver compose d'une traite ses histoires élégamment fluent. Dans ses périodes fécondes, il passe de dix à quinze heures d'affilée devant sa table, à relire et réécrire. "Il ne faut pas beaucoup de temps pour écrire le premier jet d'une histoire, une séance habituellement, mais il en faut davantage pour écrire les diverses variantes. J'ai été jusqu'à écrire vingt ou trente versions du même récit. Jamais moins de dix ou douze." (traduit de The Paris Review n°76). Il épluche les phrases, pose des mots et tait beaucoup, calcule la place d'une virgule, impose une respiration, l'essentiel en creux pour faire éclore l'émotion.

(suite sur Marque-pages)

Lien : http://christianwery.blogspo..
Commenter  J’apprécie          200



Ont apprécié cette critique (16)voir plus




{* *}