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Critique de Nastasia-B


Minimaliste et intimiste, Raymond Carver sait, au travers de ce recueil de cinq nouvelles, nous faire pénétrer dans l'univers des classes moyennes et d'âge moyen dans les États-Unis des années 1980 (éventuellement, fin 1970).

Rien de spectaculaire, pas de chichi, pas d'enquête surprenante, pas de scénario alambiqué : seulement de petites tranches de vie de gens qui ont vécu ; des personnages qui ont un passé, une épaisseur, qui ont tissé des liens et parfois les ont rompu, qui ont connu des joies, des peines, qui ne sont ni bons ni méchants mais qui souvent se remettent en question, souhaitent changer de vie, se débattent avec l'alcool ou ont usé leur relation conjugale.

(On suppose, à lire ces lignes qui sentent tellement le vrai, que derrière la fiction, l'auteur y a injecté une bonne dose d'autobiographie tellement ses personnages lui ressemblent, à des degrés divers, ou bien sont des copies quasi conformes de celles et ceux qui ont partagé sa vie.)

Ce sont cinq nouvelles fortement empreintes de nostalgie et teintées d'un sentiment de vouloir tourner la page sans le vouloir vraiment, parce que c'est encore trop frais, parce que ça fait encore trop mal, parce que c'est tout de même une manière de déchirement qui s'opère, sous des airs d'être enveloppé dans du velours.

Ce sont cinq nouvelles très cohérentes entre elles, où l'on peut facilement et sans délai d'adaptation glisser de l'une à l'autre grâce à un choix éditorial judicieux. (Je ne sais pas si tel est le cas dans l'édition américaine mais ici, pour la traduction française, les nouvelles ont été agencées de façon à ce qu'un ou plusieurs élément(s) de la nouvelle suivante rappelle(nt) la précédente et ainsi de suite jusqu'à la dernière qui pourrait à son tour amorcer la toute première, rendant ainsi le recueil parfaitement circulaire.)

Presque à chaque fois, on retrouve, sur la côte ouest des USA, un couple de quadra/quinquagénaires qui bat plus ou moins de l'aile ou bien alors un seul des membres du couple, le tout essayant de se rabibocher du mieux possible avec une évidente bonne volonté mais sans beaucoup de résultats.

Car la bonne volonté ne suffit pas toujours, surtout si l'alcool s'est invité dans le couple et y a laissé des traces, si l'usure du temps de la vie commune a consumé une grande partie du feu qui crépitait entre les cœurs, faisant s'envoler les espoirs d'avenir qui allaient avec.

Raymond Carver s'attache à nous faire goûter des ambiances et des sentiments avec une volonté claire de ne surtout pas dépeindre au-delà de l'événement, du point d'orgue qui structure chaque nouvelle. On a l'impression de l'entendre nous dire : « Je vous fais un petit polaroïd et je m'en vais. Vous en ferez ce que vous voudrez. »

Il aime à nous souligner le contraste qui existe entre le couple ou l'individu focal, d'une part, et un couple " bien portant " (ou supposé tel) d'autre part, en ayant soin, au préalable, de nous rappeler combien un couple (quel qu'il soit) peut paraître enviable et bien assorti — vu de l'extérieur — et combien précaire est l'équilibre de l'édifice, vu du dedans.

En tout les cas, l'auteur, en vieux routier de la nouvelle, possède un art consommé de cette technique d'écriture, une maîtrise stylistique absolue, qui donne l'illusion que cette écriture est simple et naturelle ; c'est dire le talent de l'illusionniste ! Bref, un bon moment à passer, pas exceptionnel selon mes critères d'appréciation propres, mais à n'en pas douter un recueil très convenable et recommandable. D'ailleurs qu'est-ce que vous voulez savoir ? Ce n'est que mon avis après tout, c'est-à-dire bien peu de chose.
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