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Critique de michfred


 Maximiliano Hernández Martínez, dit "le sorcier nazi' à  cause de ses complaisances pour le troisième Reich et sa dévotion  à l'occultisme, règne d'une poigne de fer sur le Salvador après avoir maté  la révolte des paysans indiens commandée par Agustín Farabundo Martí en 1932 et l'avoir  écrasée dans le sang. Depuis,  rien ne semble devoir menacer sa tyrannie - peuple muselé,  armées et polices sous contrôle, voisin  américain conciliant.

Mais en ces fêtes de Pâques 1944 de légers frémissements dans la presse d'opposition, pourtant bien impuissante, et dans les facultés semblent présager un changement. En Europe, il est de plus en plus évident que l'allié nazi est en train de perdre la partie.Même les USA commencent à trouver que ce dictateur ( pourtant  d'un anti communisme de bon aloi)  a de bien mauvaises manières et ne le soutiennent plus  que comme la corde soutient le pendu...

Pour Pericles Aragón,  autrefois partisan du tyran et revenu, dix ans auparavant,  d'une ambassade à  Bruxelles complètement changé,  c'est la routine : exil, disgrâce, mise à pied, séjour au Palais Noir de la police, voire au Pénitencier.

Sa vie semble ponctuée de séjours à la case prison. Mais une prison confortable, une prison pour notable.. . Pour sa femme, Haydée, jolie bourgeoise,  fille d'un colonel réactionnaire,  c'est aussi la routine. Entre deux séances de coiffeur, et trois thés mondains, elle prépare le panier- repas de son rebelle de mari et repasse ses chemises de prison sans états d'âme. Dans son journal, les occupations les plus futiles ou anodines voisinent avec des considérations plus troublantes sur ce qu'elle perçoit vaguement de la situation politique.

Mais tout va brusquement se tendre: un coup d'état éclate, hélas vite réprimé,  les visites au Pénitencier sont suspendues, Clemen, le fils aîné de Haydee et Pericles, condamné à mort pour incitation à la rébellion,  doit prendre la fuite. 

Et Haydée dans son journal de maitresse de maison et d'épouse modèle,  note tout ce qui se passe: sa conscience politique s'éveille, et avec elle, le besoin d'agir. Elle devient, presque malgré elle,  un des soutiens les plus efficaces de la grève générale qui,  en paralysant le pays,  va contraindre le tyran à partir et à  s'exiler.

L'intérêt de ce roman tient à un double récit et à un mouvement de balancier.

Sous la forme de dialogues qui semblent tirés d'une comédie grotesque , on suit les péripéties de la fuite de Clemen et de son cousin Jimmy. Clemen, le rebelle, se révèle pusillanime, inconscient, dérisoire et fragile: une bouteille de whisky ou un mollet de femme suffisent à le déconcentrer et à lui faire perdre de vue l'essentiel.

En revanche, le journal d'Haydée trace le portrait d'une femme généreuse, courageuse, lucide que son amour de la justice, des libertés et surtout des gens éclaire et fait sortir des conventions bourgeoises où semblait la reléguer son éducation.

Plus son fils devient grotesque,  clownesque, pitoyable, plus Haydée devient étonnante, sublime, sans en avoir conscience, pourtant,  ni en retirer la moindre fatuité.

Quelque trente ans plus tard, un très bel épilogue clôturera cette histoire familiale .
Sur fond d'éternelle confusion politique: le départ du tyran n'a pas rendu le Salvador à la démocratie, tant s'en faut. Conclusion amère et forte.

Merci à Booky qui m'a fait découvrir cet écrivain et ce pays dont je ne savais rien. La plume de Castellanos Moya est pleine de saveur, d'ironie douce ou mordante, et le regard qu'il jette sur son pays est sans concession.

J'en retire quelques connaissances utiles- et un très beau portrait de femme.
Haydée et son petit carnet acheté à Bruxelles sont entrés dans mon panthéon des héroïnes féminines!
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