En ce matin de novembre, alors que la pluie balaie le jardin des Tuileries sous un ciel de plomb, comme pour pleurer les morts récentes de Francis Girod , Philippe Noiret et Robert Altman, je maraude en librairie, rue de Rivoli, fidèle au précepte de Philippe Djian selon lequel lorsqu'on va mal, c'est le libraire qu'il faut préférer au pharmacien.
J'attaque donc l'interview par cette question cruciale, à laquelle la France entiere attend une réponse :
- Alors, tu fais du rock ou de la variété ?
Johnny me fixe quelques instants, Va-t-il me répondre ? Et si oui, quand ? Il se décide :
- Humm... il faut remettre les pendules en place.
J'attends la fin de la phrase. Rien ne vient. Il me fixe. Un loup un peu las, et un peu là. Je l'encourage.
- Tu veux dire à l'heure ?
Il hausse les epaules et fait la moue pour bien montrer qu'il trouve que je chipote et dit :
- Oui, OK, si tu veux : à leur place.
C'est du reste en causant peine de cœur que je repensais à cette balade figurant sur "Noise" {...} : "Fuck U", au moment où c'est Craig Walker qui tenait le micro. De tous les textes d'Archive, majoritairement guillerets comme une procession de la Toussaint, celui-ci, en particulier, a toujours fait ma joie. On appellera ça une ballade déchirante dans tous les sens du terme, puisque le narrateur, le cœur brisé, explique à la responsable de ses tourments l'estime qu'il lui porte avec une crudité peu commune dans les chansons d'amour - même malheureuses - et le plaisir qu'il prendrait à la déchirer en confettis en lui présentant l'addition.
Je m'offusque , comme dirait Max.
Richard dit qu'une musique doit faire pleurer , danser, boire,baiser, pu importe ,qu'elle doit déclencher quelque chose.Sinon, elle ne sert à rien, c'est de la merde , et elle se dilue dans le bruit de fond de l'époque , cette espèce de tout-à-l'égout sonore que déversent radios,magasins , restaurants, parkings et ascenseur,pour faire du bruit , pour empêcher le silence.
On peut rationaliser tant qu'on veut, souligner la cohérence du projet, la qualité des morceaux, l'excellence de la production, l'atout majeur de "London Calling ", d'autant plus évident avec le recul, c'est que, comme tous les disques phares qui balisent l'océan rock, il résume à lui seul un moment capital de l'histoire. Soit l'Angleterre de Margaret Tatcher, brutale, cynique, injuste, glacialement libérale.
(The Clash)