Après avoir refermé le livre, je ne sais quoi penser. Bien sûr la
guerre 14 était des plus horribles pour les jeunes hommes de 20 ans qui partaient au front et en revenaient mutilés, perdus, traumatisés par des séquelles. Bien sûr, Céline parle en connaissance de cause avec son langage à lui, volontairement populaire voire ordurier qui, écrit en 1934, inspira bon nombre d'autres écrivains. C'est que Céline fait de mieux : utiliser l'ordure pour parler de l'ordure.
Cependant, ce qui me gêne, ce n'est pas tant ce style qui force un peu le trait et qui est déjà présent dans Ubu (pièce que j'exècre, n'étant pas doué pour le burlesque) mais c'est tout simplement cette sortie d'inédit, que ce soit de Céline ou d'un autre. Si l'écrivain n'a pas jugé bon de le publier, c'est qu'il avait ses raisons. Pourquoi alors publier cette espèce de brouillon où l'on nous signale les mots illisibles entre crochets, les repentirs en notes ? La lecture est très pénible même si l'on y trouve des morceaux d'anthologie notamment ce repas du dimanche chez l'assureur, ami du père de Ferdinand, pour fêter la médaille militaire de ce dernier où Cascade, le souteneur engueule Angèle en mots choisis, la seule
guerre que les convives auront vu et qui les choque profondément. J'aime quand Céline se moque du bourgeois tapi à l'arrière pendant que les pauvres types vont au
casse-pipe. On excuse de ce fait la « lâcheté » de ceux qui se tirent dans le pied pour être réformés, comme Cascade justement alors que Ferdinand fait l'objet d'une enquête de l'état-major qui le soupçonne de désertion alors que lui-même comprend à peine ce qui lui est arrivé.
Hormis ces quelques passages bien sentis, on est loin du
Voyage au bout de la nuit ou de
Mort à crédit, à mon sens les seuls ouvrages de Céline qui valent le détour. le reste m'est très ennuyeux dans sa disproportion et son grand guignol. Au moins, ce « roman inédit » a le mérite de pas encore montrer ces tics pénibles de « ! … »