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Critique de kristolikid


Dernier des pamphlets antisémites de Céline. le plus lisible et de fait le plus ambigu. Plus de torrents d'injures, plus d'appels interminables au pogrom, plus ce flot de haine si violent de Bagatelles pour un massacres et de L'école des cadavres. Mais toujours de l'antisémitisme. Pas caché du tout, mais plus retenu, plus policé.

Le racisme de Céline évolue, se structure, apparaît moins pulsionnel -non qu'il le soit en réalité. Son antisémitisme retrouve son fondement : d'une part la volonté de pacifier l'Europe, d'autre part la croyance que les juifs sont responsables du conflit mondial. Avec Les beaux draps, Céline précise cette pensée ; pour que l'Europe devienne ou reste une civilisation, elle doit se pacifier en devenant homogène, c'est-à-dire « racis[t]e d'exaltation, de perfection, de grandeur », « un racisme d'âme et de corps ». Une Europe fermée qui renvoie les juifs en Palestine. Au passage, Céline défend sa vision du communisme, sa vision d'une France comme grande famille unie (« C'est ça le bonheur d'un pays, le vrai bouleversement social, c'est des papas mamans partout »). Cette vision encore partagée par de nombreux partis politiques extrémistes d'aujourd'hui est ce qui rend ce pamphlet, à la fois le plus actuel et le plus ambigu.

Ambigu aussi, car se côtoient racisme, cynisme et humanité. A l'inverse de L'école des cadavres, de nombreuses pages sont écrites sans référence aux juifs. L'épisode de la fuite de l'armée française est traitée avec ironie : « Moi j'ai fait la retraite comme bien d'autres, j'ai pourchassé l'Armée Française de Bezons jusqu'à La Rochelle, j'ai jamais pu la rattraper ». Plus inattendu, Céline aborde des questions de justice sociale : plafonnement du temps de travail à 35 heures et des salaires à 100F. Il juge que l'argent c'est la pomme de la discorde (« Tout ce que vous lui direz au peuple à l'époque actuelle, si vous lui parlez pas des ronds, d'abord, envers, par-dessus tout, ça tombera à plat »). Il faut vider l'argent de sa substance, le désincarner, réglementer sa répartition, d'où le salaire maximum. Les dernières pages, comme toujours réussies chez Céline, décrivent la misère du peuple exsangue, malade du froid et de la pénurie de denrées alimentaires et de charbon.

Les pages qui me semblent les plus intéressantes, abordent la volonté de Céline de rénover l'école : « L'enfance notre seul salut. L'École. ». Selon lui, l'école désintéresse les enfants « du goût, de l'enthousiasme, de la passion, des seules choses utiles dans la vie » pour leur apprendre « que des sottises raisonnantes, anémiantes, médiocrisantes ». L'école fait « tourner en plomb leur vif argent », « ne crée pas des hommes ailés, des âmes qui dansent, elle fabrique des sous-hommes rampants ». Céline revient ainsi à sa critique du matérialisme : « La ferveur pour le gratuit, ce qui manque le plus aujourd'hui, effroyablement ». Il appel de ses voeux le progrès mais pas à n'importe quel prix : « je vois l'homme d'autant plus inquiet qu'il a perdu le goût des fables, du fabuleux, des Légendes, inquiet à hurler, qu'il adule, vénère le précis, le prosaïque, le chronomètre, le pondérable ».

Certainement, le pamphlet qui parle le plus au racisme qui traverse nos sociétés actuelles.
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