La vie à portée de main

Mais bien sûr, c'est juste une question de perspective. Ce n'est pas que les parents sont grands, c'est que les enfants sont petits. Ce n'est pas que les parents sont puissants, c'est que les enfants sont impuissants.

Mais les vrais amis sont durs à trouver. Et sans vrais amis, tu ne peux pas parler de vraies choses.

Je ne pense pas qu'elle gagne, au fait. Les gens aussi méchants sont perdants, par définition.

Déménager à la campagne avait provoqué une ouverture de toutes les manières possibles. C'était comme si je m'étais préparée à l'assaut de ma vie, mais, à présent, dans de petits moments inattendus, comme lorsqu'une brise balayait la cour de la ferme, j'éprouvais les pincements d'une émotion que je pourrais seulement décrire comme du bonheur.

Je tenais le coup la journée en me concentrant sur les menus détails : les paniers-repas, les feuilles de permission, les listes de courses, les factures à payer. Avoir une vue d'ensemble ne m'intéressait pas. Je gardais la tête baissée et les yeux rivés uniquement sur ce qui se présentait devant moi. Tout le reste m'étourdissait. J'étais en vie, même si je n'appelais pas ça vivre.

Elle alla à la fenêtre de la cuisine et du doigt me désigna quelque chose dehors. Je suivis son regard et vis l'homme le plus hirsute sur lequel j'aie jamais posé les yeux. Hirsute genre Muppet Show. Homme des cavernes. Bigfoot. Sa tête à fourrure semblait dominer le reste de son corps, et même son jean et ses bottes de travail paraissaient hirsutes. Quand il se retourna et que je vis son visage, ce n'était que du poil aussi. En dehors d'une paire d'yeux bleus et d'une bande verticale de nez, sa barbe avait colonisé sa figure.

Comment expliquez-vous à une fillette qu’elle va toujours devoir travailler deux fois plus que les autres pour être deux fois moins bonne ? Je n’avais pas les mots pour ça. Tout ce que je savais, c’était que regarder vos enfants survivre à leur enfance était bien pire que de survivre à la vôtre.

Dès que ma mère voyait une personne sans abri d’apparence sauvage, elle disait : « Tiens, voilà ta tante Jean. » Et si ma part d’adulte pensait que ma mère exagérait forcément, ma part d’enfant qui rangeait tante Jean dans la catégorie croque-mitaine s’attendait plus ou moins à distinguer des traces de terre – voire peut-être du sang d’écureuil – sur la lettre même.

- Écrasée par une camionnette, dit la fille, Sunshine, comme si nous lisions des gros titres. Ce n'est pas comme ça que je préfèrerais mourir.
- Non, concédai-je. Bien sûr que non.
- Tuée par un camion de glace, peut-être, poursuivit-elle en haussant les épaules, comme si cette suggestion était plus acceptable. Ou un jet-ski, proposa-t-elle encore en baissant les yeux vers les bandes blanches sur la chaussée. Peut-être dans un accident de parapente.
[...]
J'étais sur le point de prendre congé quand elle claqua des doigts, planta son regard dans le mien et pointa un index sur moi.
- Une attaque de requins ! dit-elle.
Ce brainstorming sur le meilleur titre pour la mort de cette fille était bizarre. Mais il paraissait également impoli de lui refuser quoi que ce soit. Alors je jouai le jeu :
- Oui ! lançai-je avant de hocher vigoureusement la tête. Tellement mieux qu'une camionnette.

sûre en tant qu’activité transitoire, et aussi en tant que passe-temps. Sans parler de sa fonction de baby-sitter, remonte-moral et expéditeur-au-lit. Subitement, voilà que nous étions à faire toutes ces choses nous-mêmes, à accomplir nos activités quotidiennes en vacillant, comme si quelqu’un nous avait volé les roues d’apprentissage. Car se tenir occupé est une compétence qui s’acquiert. Comme le sont : explorer, jouer à faire semblant et courir partout dehors.