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Critique de Zonaires


On a toujours de bonnes raisons de vouloir écrire même si c'est pour en contester l'objet ou pour dénoncer la vanité de la position d'écrivant. Dans A la vitesse de la lumière, Javier Cercas s'attache à explorer ce qu'il en est de l'écrivain et de ses prétentions. Suggérons ici qu'écrire c'est lire en soi-même quelque chose qui n'arrive pas à se dire, c'est fouiller le côté obscur du discours intérieur, c'est attraper par la queue un passé qui ne veut pas passer, c'est aussi un chemin qui s'ouvre et qui a à voir avec la reconnaissance en soi de quelque chose de désirant, de quelque chose pris par l'excitation, tant du côté de l'investissement de la langue que par le caractère d'irréalité de certaines évocations. Pour les protagonistes du roman, un écrivain en mal de reconnaissance et un intellectuel, criminel de guerre, en quête de rédemption, la recherche du sens de l'écriture est au coeur de leurs échanges. Pour le premier il s'agit de dire, de témoigner, d'être dans une démarche qui se risque à appréhender la réalité, d'être quelqu'un qui dans l'acte d'écrire, donne forme et consistance à une matière engloutie. Pour le second, l'écrivain est un cinglé qui regarde la réalité et qui parfois la voit ; quant au lecteur, il ne fait la plupart du temps qu'avaler de belles phrases en s'imaginant avoir entendu quelque chose de l'ordre de la vérité. La réalité ne se raconte pas, ce que tu imagines, c'est se qui s'est passé, dit-il, persuadé que tout n'est que duperie et imposture, au mieux illusion. La question du mensonge est omniprésente et donne paradoxalement un sentiment d'authenticité à la brutalité des faits évoqués. Pour cet homme habité par ses seules fautes, écrire son histoire est impossible car elle reviendrait à brouiller ce qui s'est passé, à glorifier l'abject en le mettant en scène et à finalement l'absoudre d'une culpabilité qui ne peut se réparer.
Cette histoire irracontable les mènera l'un et l'autre au bord de l'abîme, et l'écrire malgré tout, restera la seule façon de rompre avec l'errance psychique, la seule voie capable de maintenir quelque chose en vie et de dompter un tant soit peu la part d'inhumanité qui demeure en eux. Un roman faux mais plus réel que s'il était vrai, conclut le narrateur. Un livre indispensable.
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