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Critique de Merik


Nom de code 23-F, aujourd'hui il suffit de le googliser pour atterrir sur youtube et y voir comment a été restituée en différé aux espagnols l'irruption filmée du commando putschiste, lors de ce fameux coup d'état du 23 février 1981 au Congrès madrilène. C'est ce film, plus précisément le geste du président Suarez, qui fournira le point d'entrée des investigations de l'auteur, soucieux de nous préciser en prologue ses hésitations à aborder le monstre hybride de la bonne façon. Dans un premier temps il l'a romancé, avant d'y renoncer : «... en fait, rien de ce que j'aurais pu imaginer sur le 23 février ne me touchait ni ne m'exaltait autant et ne pouvait se montrer plus complexe et plus éloquent que la réalité pure du 23 février». Alors il s'est plongé dans le labyrinthe de la vérité historique. Rien de plus qu'une habitude, pour ne pas dire une obsession chez Javier Cercas. Ici encore son récit développe le ton singulier du romancier historien soucieux de démêler l'imbroglio des fils relationnels entre les différents protagonistes, de plonger aussi dans leur passé, d'analyser l'écheveau sans fin des faits, des paroles et des gestes, mais aussi de dérouler la pelote de l'imagination quand la vérité se défile. Car tout n'est pas figé, tout n'est pas avoué, tout n'est pas révélé. Le passé n'existe pas on le sait, ça n'est qu'une représentation au présent de choses révolues. Quant au présent, il avance inéluctablement.
Et autant prévenir le lecteur, démêler l'histoire du 23-F est une entreprise ardue, j'imagine même pas le travail de l'auteur au vu des efforts de concentration qu'il m'a fallu pour simplement le lire. On s'y perd forcément un peu entre les différentes parties, communistes et fachistes, socialistes et royalistes, militaires, renseignements généraux, coup d'état et contre-coup d'état, trahisons, collusions ou ententes improbables. On est en pleine Transition démocratique post-franquiste, Adolfo Suarez ne fait plus vraiment l'affaire après son démantèlement express du système franquiste, le coup d'état est imminent, il gronde en sourdine, il semble inéluctable dans ce pays à la tradition putschiste. Et il aura lieu, la démission surprise de Suarez précipite les choses du côté des militaires restés pour la plupart fidèles aux idéaux franquistes. Un coup d'état qui se voulait mou pour mettre en place un gouvernement de coalition avec un militaire à sa tête, mais le crépitement sec des balles dans l'hémicycle annonce encore l'écho du dérapage et son avortement à venir par l'entremise royale.
Une enquête difficile à démêler, une vérité difficile à figer, pour un livre au travail de fourmi difficile à restituer. J'aurais pu entrer dans un résumé des personnages et vous parler du lieutenant-colonel Tejero, d'Armada ou de Milans les conspirateurs principaux du putsch, du général Mellado, de Carillo le communiste et de Suarez les traîtres du gouvernement de Transition, du rôle ambigu de Cortina des services de renseignements de l'AOME, pour forcément en oublier et me perdre dans la confusion de l'incomplet. Peut-être que l'anatomie d'un instant ne se plie tout simplement pas aux règles convenues d'un compte-rendu, peut-être que l'histoire sous l'angle du vrai est trop complexe à démêler et résumer, mais peut-être suffit-il de dire que la passion folle de l'auteur envers la vérité a de grandes chances de déteindre sur le lecteur. Pour peu qu'il ait l'envie, ou le courage de s'y plonger.
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