Une larme coule le long de sa joue. Elle la fait disparaître d’un revers de main. Pas question de s’apitoyer sur son sort. De jouer les victimes. Elle doit rester forte, garder les idées claires. Ne pas se laisser submerger par des angoisses idiotes. Seulement se laisser le temps de digérer la nouvelle. De se faire à l’idée qu’une masse grossit en elle. Une tumeur, planquée dans son sein, qui a déjà commencé à la dévorer. C’est ça le pire. Cette sensation qui n’en est pas forcément qu’une, d’être rongée de l’intérieur par un corps étranger et vivant. Un parasite doté de sa propre intelligence et ne visant qu’un objectif : vous déloger pour occuper de plus en plus de terrain, peu importe les dégâts. Elle qui a toujours pris soin de se forger un corps sain... Et pourtant, il est là. Abrasant. Enragé.
C’est une guerre qu’Alice va devoir mener, même si aujourd’hui elle se sent complètement désarmée.
J’ai compris trop tard que chaque décision a des conséquences. Y compris à long terme. Chaque décision est comme une pierre lancée dans une flaque... Avec les ondes de choc qui s’ensuivent.
- Sérieux. Tu suis une putain de voie merdique. Le dernier frelot à qui j’ai filé un coup de main y est resté.
- Arrête, Angelo. Tu vas me porter la poisse !
- Le mauvais œil, c’est de la connerie ! Par contre, tu le sais aussi bien que moi... Dès que tu as un calibre en poigne, il y a toujours un mort au bout. Fais gaffe d’être du bon côté.
- J’ai besoin de prendre l’air. Je te jure qu’une femme enceinte avec ses putains d’hormones en folie, c’est quelque chose. Je préfère encore affronter une armée de niqués de la tête.
Les bonnes décisions, comme les mauvaises décisions, ça n’existe pas. Ce qui compte, c’est justement de prendre une décision...
Un Ford Transit s’arrête à côté d’elle. Le type est en tenue de travail. Un bleu couvert de peinture. Amia soutient son regard tandis qu’il la déshabille de la tête aux pieds.
- Combien ?
Pas de présentations ou de mots gentils. Jamais. Amia s’est fait une raison. Ce serait l’humaniser. On ne discute pas avec un objet. Jamais.
Et les caméras vidéo ? Une véritable aubaine finalement. Merci madame le procureur de la République ! Une agression de surveillant, en dehors du champ des caméras : relaxe pour faute de preuves. La rumeur a circulé plus vite qu’une traînée de poudre. Tu veux foutre sur la gueule d’un maton ? Pas de problème, tant que tu es dans l’angle mort. Et des angles morts, il y en a un paquet.
- Vous êtes en fuite ?
Vrinks relève la tête, la cigarette coincée entre les lèvres :
- On fuit tous quelque chose. Non ?
- C’est vrai.
- La fuite, c’est la liberté.
Une évasion est toujours possible. Quel que soit l’établissement. La véritable question n’est pas la faisabilité, mais le « comment ». Et le « comment » dépend d’une multitude de facteurs : la configuration des lieux, les moyens mobilisables aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, le temps de préparation, le degré de risque acceptable et enfin le professionnalisme des équipes de surveillants.
Simon Vrinks, un cador. Costume sur mesure, grosse cylindrée, single malt millésimé. Taiseux, mais magnétique. Le regard sauvage pour un sourire doux. Elle avait craqué. Comme une midinette. L’amour rend aveugle. Et conne aussi.