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Critique de lebelier


Jean Barnery est pasteur de son état et va voir, dans ce roman foisonnant, changer sa vie et sa destinée depuis le début du siècle jusqu'à l'aube de la seconde guerre mondiale. Jean va changer de femme, donc de statut, va émigrer vers la Suisse depuis son village du sud-ouest de la France et revenir diriger à Limoges, la fabrique de porcelaine familiale.
A travers les vicissitudes de Jean, Chardonne parle de la transformation de l'industrie (la qualité au détriment de la productivité), de la famille (le divorce fait encore scandale ; Aline la fille de Jean sort dans de « mauvais lieux ») et de la société (on assiste aux premières grèves et aux premiers coups que portent la mondialisation : concurrences allemande et japonaise…). Il montre comment la guerre a fait changer les hommes, les a endurcis au point d'apparaître plus rustres lorsqu'ils reviennent dans leurs foyers. C'est ainsi qu'il explique l'attitude taciturne de Jean qui s'absorbe dans son travail pour sauver sa fabrique et délaisse Pauline après s'être reproché d'avoir abandonné sa femme Nathalie qui éduque seule leur fille Aline avec ce constat amer qui pousse justement la jeune fille à se rebeller radicalement vers l'enfer des cabarets puis vers la rédemption exagérée de son adoption du diaconat.
Au milieu de cette tourmente, gravitent d'autres personnages qui représentent cette « France éternelle », ancrés dans la terre et les rites ancestraux et qui semblent mieux résister aux affres de la crise économique. On pense bien sûr au vieux Pommerel, oncle de Pauline, patriarche fier de la qualité de son cognac ( ah ! la « fine de 1840 ! ») et qui refuse tout compromis concernant la fabrication et le conditionnement de son alcool. En fait on s'aperçoit que si tout bouge, certains résistent et perdurent même si comme le dit Jean à la fin du roman, citant la Bible : « notre demeure est enlevée et transportée comme une tente de berger… »
Restent quelques « épiphanies » dont l'une fait un écho profond et que j'appellerai « le temps des cerises » où Jean interrompt le temps, revient plus tôt de son travail, achète un roman -on pense à Proust d'ailleurs dans cette fine allusion :

« Il regardait les livres dans la boutique et remarqua un roman très épais dont il ignorait l'auteur. Il l'ouvrit. L'aspect compact des pages l'intrigua, une longue phrase filandreuse d'une tonalité tendre lui plut. Il acheta le livre et l'emporta chez lui. »

et regarde Pauline qui cueille des cerises, qui ignore sa présence, puis, le voyant , émet un sourire de surprise agréable et lumineux qui l'émeut, juste avant que la guerre n'éclate et emporte Jean sur le front, le ramenant moins « sentimental ».
Le style, on le voit, est d'une rare efficacité à l'instar des hommes d'action qu'il décrit mais traduit aussi le mouvement de la vie et de la destinée. On passera rapidement sur cet épisode où Jean, diminué se souvient du « temps des cerises » et profère cette vérité première : « l'amour…Il n'y rien d'autre dans la vie…rien .» L'auteur était peut-être un peu diminué aussi en fin de roman.
On peut préférer :

« Il n'y a pas de vie perdue quand on a aimé…ne fût-ce que ses outils…Cet attachement, cet or pour des êtres et pour de petites choses de rien, assurément périssables, et que la vie même, avant la mort, nous retire, je voudrais savoir ce qu'il signifie…ce que signifie l'amour si vivace, rebelle à toute raison, à la plus vieille expérience… et cette espérance qui est au fond de l'amour … cette espérance qui est au fond de tout … »

Pourquoi j'ai lu ce roman ? En revoyant le film de Guédiguian , le promeneur du Champ de Mars, le président Mitterrand y fait allusion. le fait qu'il ait relu cet auteur la veille de sa mort est très significatif à mon sens.
Par contre je suis déçu du film un peu pâteux qu'en a fait Assayas, surtout à cause de la présence d'Emmanuelle Béart en Pauline un peu nunuche. Heureusement qu'il y a Isabelle Huppert en Nathalie énervée ! Charles Berling est correct. Mais ce n'est une critique de cinéma ici !


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