« — Ben. Bonsoir, Ben. Je te cherchais.
— Moi ?
Jonah pencha la tête sur le côté tel un oiseau.
— Je crois. Pas toi ?
— Tu veux un verre ? laissa échapper Ben.
— Mais je ne veux pas que tu te déplaces jusqu’au bar, remarqua Jonah.
Ben lui proposa sa chope en étain sans hésitation, et l’autre homme la tourna avant de boire, de façon que ses lèvres se placent là où celles de Ben s’étaient posées auparavant, partageant la bière comme un baiser. »
Je voulais renier cette vérité. Je voulais être quelqu’un d’autre. Avec toi.
Ne t’arrête pas de courir, sinon tu tomberas.
« Ben détestait Londres.
Il détestait les cris, les rues bondées, l’odeur. Il détestait les mendiants au visage amaigri, les bouquetières qui colportaient leur marchandise chétive et flétrie, les hommes vêtus de redingote qui marchaient d’un pas pressé. Il détestait Lincoln’s Inn Fields, un jardin public bordé d’arbres situé au cœur de la ville la plus formidable du monde. Il détestait les fleurs à peine écloses disséminées sur les arbres avec une passion farouche intense, comme si elles s’en étaient prises directement à lui. Et surtout, il détestait la misère amère qui pesait autour de lui tel un nuage occultant le soleil printanier.
S’il avait souri une seule fois ces derniers mois, il était incapable de se souvenir à quelle occasion. Il doutait d’y parvenir à nouveau de sitôt, même après avoir atteint son but, mais il jura sur le nom de Dieu qu’il effacerait le sourire des lèvres de quelqu’un d’autre, et peut-être qu’après cela, le nœud empoisonné qui lui comprimait la poitrine se desserrerait enfin. Peut-être. »