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Critique de kielosa



Ce qui me remplit à la fois d'étonnement et de ravissement c'est le jeune âge de maintes écrivaines de talent actuellement en France. Lise Chasteloux, née en 1980 à Épinal, fait partie de cette élite prometteuse pour les lettres françaises.

Ayant lu des tonnes de livres sur l'histoire récente de la Russie, je dois avouer que j'ignorais royalement l'existence d'un contingent russe pour aider notre pauvre pays de la fureur teutonique lors de la Première boucherie mondiale (1914-1918).
Je remercie Lise Chasteloux pour ses efforts de recherches sur le contexte historique de ce contingent, quand bien même si elle a eu un arrière-grand-père qui en a fait partie. Pour mener à bien bien son "Un destin russe" il lui a fallu bosser sérieusement dans les archives et la documentation fort éparpillée. Il est vrai que l'auteure a le considérable avantage d'être une authentique polyglotte et que parmi ses nombreuses langues, figure le Russe.

Il s'agit du premier roman de l'auteure, sorti en mai 2016, mais la même année notre Lise a publié, comme ancienne championne de voltige équestre, un petit fascicule curieux d'approche psychologique du sport "Petite cosaque : le manège de la compétition".

Depuis 2004, l'auteure est active dans l'édition : après un passage chez Grasset, puis Gallimard, elle est chargée des droits, depuis juillet 2019, dans la maison d'édition de Viviane Hamy à Paris.

À part un dramatique pan de l'Histoire de notre continent, le récit constitue aussi une charmante histoire d'amour.
Une "love-story" entre une jeune veuve des Vosges, Marie, et le feldscher Alexeï Simonovitch Krylov de Moscou, soit l'arrière-grand-père de notre auteure. Feldscher est un terme d'origine russe pour désigner un aide médical ou sanitaire. Sur des anciennes gravures, les feldschers sont souvent en train d'amputer une jambe sur un champ de bataille !

L'ouvrage démarre avec la mobilisation générale en Russie et en France, en juillet-août 1914. le mois suivant, nous voyons le jeune Alexeï partir pour le front en Prusse-Orientale et à Hadaux-la-Tour dans les Vosges, Giuseppe "l'orphelin" et mari de Marie, partir pour le front de Remiremont et Mulhouse.

Comme le remarque avec pertinence (à la page 22) l'auteure : "La guerre était un loisir de riches", mais ce sont les pauvres qui trinquent et meurent par centaines de milliers pour une guerre qu'au fond personne n'a voulue. Je ne suis pas près d'oublier l'exposé magistral de mon prof d'histoire à l'IEP de Paris, Jean-Baptiste Duroselle, à ce propos.

Toujours est-il que l'armée du tsar n'était pas prête au combat : armes et équipements militaires insuffisants et défectueux, désaccords au sein du haut-commandement (entre les généraux Rennenkampf et Samsonov...), et après la défaite russe de Tannenberg (Hindenburg et Ludendorff), en août 1914 : désorganisation, désertions massives et mécontentement général. Lire à ce sujet l'impressionnant ouvrage d'Alexandre Soljenitsyne "Août quatorze".

Il est donc pour le moins étrange que le tsar Nicolas II promette quelques mois plus tard au sénateur français Paul Doumer l'envoi d'un contingent russe pour soutenir l'effort de guerre français contre les Junkers.
Anecdote : le sénateur Doumer deviendra Président de la République, le 13 juin 1931, et sera abattu, le 7 mai 1932, par ... un toubib fou d'origine russe, Paul Gorgulov, qui lui sera guillotiné le 4 septembre 1932. Voire le livre de Serge Janouin-Benanti "Les médecins criminels : Dr Petiot et Cie" qui consacre un chapitre à cet illuminé de Gorgulov.

Pour ce fameux contingent, le tsar, pour faire bonne impression en France, cherche de préférence de beaux jeunes hommes, élancés, aux cheveux blonds et yeux clairs, "et en priorité ceux sachant parler français et ayant reçu un niveau d'instruction honorable". L'arrière-grand-père de notre Lise Chasteloux correspond parfaitement à ce portrait-robot du tsar et se trouve donc désigné par son supérieur, le médecin militaire Rikanine. Il convient de signaler que ce dernier a tenu compte de la profonde blessure d'Alexeï au dos, un cadeau d'un Bosch administré lâchement avec son sabre.

Avec le long voyage d'Alexeï vers la douce France, de Moscou à Marseille en passant par le port mandchou de Dairen, en février-avril 1916, je termine mon résumé, non sans avoir spécifié tout de même que Marie est entretemps veuve et mère d'une superbe petite Vosgienne qu'elle a baptisée Josefa.
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