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Critique de ComptoirDesConnaissances


Suite à la lecture du tome 1 qui avait été un coup de coeur pour moi, je n'ai pas mis longtemps à me jeter dans le tome 2. Je m'attendais à retrouver tout ce que j'avais aimé : les réflexions philosophiques, les personnages complexes et différents, un univers angoissant… Malheureusement, cette lecture ne s'est pas déroulée comme prévu. Quelques mois après leur arrivée sur l'Île des Pans, Matt et Tobias, accompagnés de Ambre, partent en quête de Malronce, une mystérieuse reine qui les a déjà attaqués par le passé par l'intermédiaire des Cyniks. Malronce, le personnage éponyme, devrait donc être au centre de l'intrigue puisque nous la rencontrons dès le titre.

La première de couverture évoque elle aussi le voyage que les personnages entreprennent à travers les États-Unis avec la carte et ce qui ressemble à une boussole. La quatrième de couverture en revanche reste encore très évasive. Elle présente le roman comme s'il était le premier opus de la saga en mettant en avant l'originalité de l'univers. Les personnages principaux ne sont même pas évoqués, ce qui est assez étonnant. Albin Michel, la maison d'édition de la saga, a probablement pris le parti de faire reposer l'intérêt du roman sur la renommée de l'auteur et sur la curiosité des lecteurs.

L'intrigue se découpe en trois parties plutôt équilibrées dans leur longueur mais pas dans leurs thèmes : alors que les deux premières parties plantent l'univers de ce roman, la troisième partie est bien plus centrée sur l'action. Tout le début du roman est un résumé maladroit des évènements importants du premier tome, comme nous pourrions voir un « précédemment » dans un épisode de série. Même si ça peut servir pour se remémorer ce qu'il s'est déjà passé si notre lecture remonte à plusieurs mois, la façon de rappeler les grandes péripéties est assez étrange et vraiment pas discrète. Les personnages font rarement des récapitulations en monologue intérieur lorsque les évènements se sont déroulés à peine quelques jours avant pour eux.

Ainsi, lorsque le récit commence enfin, nous retrouvons le trio composé de Matt, Tobias et Ambre, qui se dirige vers l'antre de Malronce pour découvrir ses plans et comment les contrer. Toutes les actions sont décidées par Matt, le leader du groupe, qui enchaîne les mauvaises décisions alors que le lecteur les sent de très loin. Les protagonistes passent ensuite par la Forêt Aveugle, puis par deux villes peuplées de Cyniks dont la première est une vision d'horreur avec l'esclavage et l'exploitation d'enfants. Il faut avoir le coeur bien accroché pour pouvoir mettre ces éléments de côté comme s'ils étaient secondaires, ce que fait l'alliance des trois, parce que dans le roman ils sont en effet secondaire. L'horreur est donc particulièrement présent à partir du premier tiers du livre, et il faut être au courant avant de s'engager dans la lecture.

Alors que l'objectif principal du récit est de comprendre ce qu'est la Quête des Peaux, Matt est beaucoup moins centré là-dessus que ses amis. Il est le seul à voir et sentir le Raupéroden, l'antagoniste du premier tome, et cherche donc à découvrir pourquoi cette créature le suit partout où il va. Je trouve que toutes les péripéties en rapport avec cette intrigue secondaire sont superflues. Nous n'apprenons que très peu de choses sur lui et les péripéties sont répétitives, toujours sur le même schéma.

Ce roman possède de nombreuses péripéties dignes des romans d'aventures, c'est-à-dire qu'elles adviennent puis nous n'entendons plus parler d'elles, elles n'ont presque aucune conséquence et la péripétie suivante enchaîne rapidement. C'est le cas des attaques de monstres lorsque le trio principal est dans la Forêt Aveugle, puis chez le peuple des Chloropanphyles. Ces péripéties auraient pu ne jamais exister, le récit ne s'en serait pas sorti différent.

Suite au premier tome qui se déroulait principalement juste après la Tempête et plusieurs mois après, nous nous retrouvons dans cette continuité. Temporellement, rien n'a changé. Cependant, c'est au niveau du développement de l'univers et des différents peuples que ce deuxième tome est intéressant. Comme je l'ai déjà dit, la première partie est centrée sur le peuple habitant la Forêt Aveugle. Pour faire simple, ce sont des humains en vert, vivant avec de la chlorophylle à la place du sang, d'où leur nom Chloropanphyle. L'histoire de ce peuple, la question d'où viennent les enfants qui vivent dans cette forêt, la mer sèche et les bateaux qui flottent sur les arbres sont de très bonnes idées que j'ai beaucoup appréciées pour leur originalité. Leur mode de vie et tout ce qu'ils ont fait pour construire une telle société sont très intéressants.

Le deuxième peuple que nous découvrons plus en détails (puisque nous les avions déjà croisé dans le tome 1) sont les Cyniks. Cette fois-ci, les protagonistes rentrent dans leurs villages et nous pouvons enfin voir comment ils vivent réellement et comment ils se sont organisés. C'est un peuple que nous pourrions qualifier tout simplement de barbare, qui tiennent les enfants en laisse, les réduisent en esclavage, les exploitent… Nous apprenons également qu'il y a une distinction entre les Cyniks, entre ceux qui ont encore une conscience et ceux qui sont totalement sous l'emprise de leur transformation. Cette nuance aurait pu être intéressante si elle avait été plus exploitée, mais c'est possible qu'elle le soit dans les prochains tomes.

Cependant, passer d'un peuple à un autre aussi sèchement, avec peu de rapport les uns avec les autres (même si je sais que les différentes villes n'ont pas connaissance de l'existence des autres) donne un effet documentaire assez étrange au roman.

Concernant les personnages, nous retrouvons évidemment les mêmes que pour le tome précédent, mais un grand nombre de nouveaux sont également introduits. J'ai notamment apprécié le fait que nous retrouvions des personnages secondaires du premier tome, comme Colin qui a un rôle plus important dans ce deuxième tome. le périple de l'alliance des trois les amène à rencontrer de nouveaux peuples, dont celui des Cyniks civilisés, mais aussi ceux des Chloropanphyles, des enfants qui ont muté lors du Cataclysme pour être plus près de la nature. Alors que j'ai pu aimé les quelques néologismes du premier tome, ceux du deuxième m'ont fait grincer des dents comme celui-ci. Néanmoins c'était un peuple intéressant car il approche une nouvelle vision des choses et de la nouvelle vie que peuvent mener les enfants. Ils ont créé une réelle communauté avec des règles strictes, tout en vivant en symbiose avec la nature. Cependant, contrairement à l'île des Pans du premier tome, les croyances, allant jusqu'à la secte avec une multitude de secrets, sont beaucoup plus exploitées avec les Chloropanphyles. Même s'ils possèdent évidemment leur propre part d'ombre dans l'histoire, ils restent un peuple intéressant à connaître.

Mais si les nouveaux personnages ont piqué mon intérêt, c'est beaucoup moins le cas des personnages principaux. En effet, la personnalité de Matt est moins intéressante que dans le tome 1, elle évolue beaucoup moins et même si on constate bien qu'il développe son rôle de meneur, il n'a aucun arc de personnage. C'est toujours un Monsieur-je-sais-tout alors qu'il n'offre que très peu de réflexions pertinentes. Il possède la place de leader alors que c'est probablement le plus irréfléchi des trois. J'attends des prochains tomes qu'il soit davantage développé mais surtout qu'il gagne en maturité. En effet, les personnages ne mûrissent pas à la même vitesse. Ambre est devenue adulte dès ce deuxième tome alors que Matt et Tobias restent encore trop centrés sur leur personne et les empêchent d'exploiter leur potentiel. En ce qui concerne Tobias, la seule évolution qui le concerne est la mise en avant de son altération. Elle était prévisible dès le premier tome, mais c'était un plaisir de voir comment il l'a domptée.

Malheureusement, un autre point faible du roman se trouve au niveau des antagonistes. Dans ce tome, nous en avons trois : Malronce, l'antagoniste éponyme et donc le principal, le Raupéroden, que nous connaissions déjà du premier tome, et le Buveur d'Innocence, qui fait son apparition au milieu du récit. Rapidement, je me suis retrouvée un peu perdue entre les trois, et Maxime Chattam aussi : le Raupéroden est écarté d'une grande partie de l'intrigue pour une raison qui m'échappe, et réapparaît pile lorsque les personnages ne s'occupent plus de Malronce. le Buveur d'Innocence quant à lui est l'antagoniste le plus intéressant à cause de sa noirceur. Je ne peux pas concevoir qu'on puisse l'apprécier par ce qu'il est mais il a le mérite de faire avancer drastiquement l'intrigue et de créer un troisième camp, entre méchants et gentils.

Ce qui m'avait marquée dans le premier tome, c'était l'aisance de Maxime Chattam à exprimer ses pensées philosophiques sur de nombreux sujets. Ainsi, avec le peuple Chloropanphyle, nous avons encore une fois l'évocation des thèmes de la religion et des croyances, mais également du féminisme. Alors que le premier tome était centré sur l'écologie, le deuxième met en scène une société menée par des femmes, ressemblant à s'y méprendre aux Amazones. Les enfants grandissent et les thèmes abordés deviennent de plus en plus grave : la mort avec le fait d'assassiner (notamment pour Matt qui doit exécuter ses premiers meurtres) et la sexualité avec le viol, le consentement et la pédophilie. J'ai été très étonnée de voir ces derniers thèmes abordés, car pour un roman accessible aux plus jeunes (voire étant la cible première du roman), ce sont des thèmes très forts.

Pour rester dans la thématique de la jeunesse, pour des personnages de roman de cet âge (entre treize et quinze ans d'après mes souvenirs) j'ai trouvé certaines des péripéties très dures, notamment celles qui concernent le Buveur d'Innocence. Pour le coup, nous nous trouvons vraiment dans un récit d'horreur, mais je ne m'attendais vraiment pas à ça, surtout après un premier tome beaucoup plus léger. C'est peut-être ça qui a fait que j'ai moins apprécié la lecture. Ce sont des thèmes que j'aurais pu aimer voir passer dans un roman, mais pas dans celui-là.

Le rythme est également un petit souci dans ce roman. Les personnages ont tous au moins un passage de monologues intérieurs, mais ils ralentissent énormément le récit, surtout lorsqu'ils relatent des possibilités d'actions qui se révèlent être exactes quelques pages plus loin. Les moments entre actions et réflexions sont trop déséquilibrés, je me suis retrouvée à m'ennuyer puis à ne plus comprendre certaines actions parce que ça allait trop vite. le style d'écriture de Maxime Chattam avec des paragraphes très courts accentue ce phénomène et donne encore plus de rapidité au récit. Une meilleure cohérence du rythme aurait plus que certainement amélioré mon expérience de lecture.

Points positifs :
– la portée philosophique toujours aussi intéressante
– l'évolution du personnage d'Ambre
– le peuple des Chloropanphyles

Points négatifs :
– le peu d'évolution générale
– rythme déséquilibré

Lien : https://comptoir-des-connais..
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