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Critique de Fabinou7


De bonne humeur aujourd'hui ? Ne lisez pas Cioran

« Être ou ne pas être : ni l'un ni l'autre ». Cela ne devrait pas nous étonner pour un clou…Emil Cioran n'est-il pas l'anagramme d'acrimonie ?

« L'homme est inacceptable. » L'écrivain roumain de langue française ne délivre pas un essai philosophique, poétique ou moraliste. Dans ces ébauches solitaires c'est avant tout une voix.
En dépit de l'antipathie de façade - « extermination » lui vient à l'esprit en voyant les gens dans la rue - Cioran nous aide à relativiser nos colères, nos indignations, nos impuissances, nos blessures d'orgueil « gouffre de l'hérésie du moi ».

« Je m'intéresse à n'importe qui sauf aux autres. » Cette lecture est comme un journal de bord fragmentaire, d'un homme qui voit le flot de son existence comme le radeau de la méduse d'un pessimisme, d'une ironie et d'une sincérité rare.
Cioran dit ce qu'il pense et non ce qu'il faut penser ni comme il faut penser, il se revendique comme antiphilosophe et ne répond pas à cette question, qu'il juge capitale, « comment se supporter ? ».

« Suivre sa pente au lieu de chercher son chemin » Talleyrand. La souffrance, la maladie, notamment la maladie de la conscience de soi, du facultatif de ce qu'on fait et de ce qu'on est. Ce nihilisme, faute de suicide, est incurable ; pour Cioran ce mal évolue de façon chronique, de livre en livre.
Cioran a-t-il mutilé son « conatus » spinozien comme Van Gogh son oreille ? Quel est son secret, proche d'une certaine idée bouddhique du détachement, tout juste concède-t-il que « mûrir c'est constater l'aggravation de ses incohérences » ? Qu'a-t-il de moins que nous ou de quelle « carence » ne souffre-t-il pas car « prendre au sérieux les affaires humaines témoigne de quelque carence secrète » ?

« Le fragment, genre décevant sans doute, bien que seul honnête. » C'est très long de faire court. Emil Cioran, je crois, a noirci bien des pages avant d'arriver à extraire le résumé d'une démonstration, la conclusion et l'introduction en même temps. Ces ébauches sont pareilles à des poussières d'alphabet grises broyées sur des interlignes achromiques qui, tel un halo brumeux, séparent ces (max)cimes de désespoir : ne pas regarder en bas, le gouffre, vertigineux, est sans fond.

« la timidité, source inépuisable de malheurs dans la vie pratique, est la cause directe, voire unique, de toute richesse intérieure. » Pourtant nous ne pouvons nous départir du sentiment que Cioran nous a compris. Celui qui veut à tout prix nous faire croire qu'il ne se parle qu'à lui-même trouve en fait le chemin de l'universel. Cioran, et c'est son paradoxe, parvient à dire si bien ce qu'il déplore qu'on ne puisse dire avec des mots.

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