« Sullivan est devenu leur martyre. Il a payé son engagement de sa vie. Davidson est fier de Lui. »
« Tous inféodés, au service d’un idéal de race pure et de grandeur aryenne. Bref, des dégénérés. Des dégénérés armés. »
Il a pris froid, un rhume léger mais pénible qui lui encombre les bronches. Il profite d’une liqueur chartreuse verte exceptionnellement vieillie qui lui embrase la tuyauterie et le ragaillardit. La médecine des simples est plus efficace et poétique que la triste pharmacopée moderne, selon lui.
Solane assis au pied du lit en train d’enfiler ses chaussettes et des Nike rutilantes qu’il a achetées en solde
chez Décathlon. Plus il vieillit, plus il apprécie les baskets chinoises
ou pakistanaises. Il a le pied large et le talon sensible, et il aime le
confort caoutchouteux des coussins d’air.
Elle leur explique comment ils font pousser leur vigne
pour faire leur putain de vin. Turner Davidson boit du bourbon et,
avant midi, de la bière. Point. Le reste, c’est de la saloperie d’intello
de communiste. Il commence à en avoir marre, d’ailleurs.
– Ça sonne comme une sacrée conspiration, j’ai l’impression
d’être un fêlé de complotiste. Mais y a un truc qui me chiffonne.
Cyril s’est fait des
ennemis, du genre teigneux. Des mecs qui veulent sa peau depuis
dix ans et qui l’ont retrouvé. Enfin, on pense que c’est eux. On n’est
pas sûrs, mais on ne veut pas prendre le risque.
Il y a un je-ne-
sais-quoi dans l’air de cette nuit de réveillon qui ne lui dit rien qui
vaille.
Les montagnes alentour dominent Gourdon, elles portent des noms de Provence, Cavillote, Courmette, une toile de Cézanne , et, en été, l’émeraude sombre des chênes lutte avec le vert constellé de jaune des genêts et cède le terrain à la roche grise aux reflets bleus et dorés.
es craquements des parois de bois martyrisées qui grincent aux cahots, les râles des femmes et des hommes épuisés, les enfants qui s’affaissent et meurent étouffés. Les ordres braillés des Allemands qui font décharger les cadavres aux arrêts. L’odeur épouvantable de mort et de sueur, d’urine, de crasse et de merde. L’odeur des frères et sœurs d’Adam, l’odeur d’Adam lui-même, l’odeur des Juifs dans le convoi, comme une insulte. La chaleur infernale, l’intenable promiscuité, l’exiguïté, les corps serrés comme les arbres d’une mauvaise futaie.
La faim. La soif. La soif.
Et la peur.