Récits et nouvelles du Cap-Vert

La porte donnait sur une petite véranda garnie de plantes grimpantes et de tulipes poussant dans des caisses, laquelle véranda communiquait avec un petit salon s'ouvrant, lui, sur une courette où le soleil arrivait ponctuellement, comme ces visiteurs intimes qui chaque jour arrivent, s'installent et papotent ou écoutent sans jamais faire mine de se retirer.
L'enterrement de Nha Candinha Sena.

On ne condamne pas le couteau qui tranche dans la chair vive. Criminelle est la main qui tient le couteau.
Telle était la philosophie du sorcier Bachenche

Une brise entrait par les vitres baissées, traversait la voiture, délicieuse, inespérée, comme si, après avoir parcouru des couches d'air chaud, elle avait conservé l’ineffable fraîcheur des altitudes.
L'enterrement de Nhâ Candinha Sena.

Le bourg se remplissait de gens qui abandonnaient les champs à la sécheresse. Ils étaient couverts de loques, maigres, avaient d’énormes plaies puant la pourriture. Les mères portaient leurs enfants sur la tête, dans de grands paniers. Elles s’arrêtaient aux portes des maisons et montraient leur corbeille en rotin d’où émergeaient des yeux gloutons sur de petits visages flétris par la faim. Tous déambulaient dans les rues en un cortège de tristesse et de désespoir.

(Chandeigne, p.169)

— Cet homme est un véritable fauve, Monsieur le Juge. Il aurait tué ma fille si les voisins ne s’étaient pas interposés. Un fauve, Monsieur le Juge, vous pouvez me croire…

— Voyons, ne vous emballez pas, calmez-vous. Ne serait-ce pas qu’il battait sa fille parce qu’il l’aimait? Pour la corriger? L’éduquer?

(Chandeigne, p.72)

« Celui qui s’en va et revient n’est plus celui qui s’en va, mais celui qui revient. »

(Chandeigne, p.60)

Nhô Bachenche rendait le passé aussi palpable que la mangue qu'on porte à la bouche. Il donnait une qualité visuelle et tactile à ses évocations et se servait de ses doigts pour raconter les choses, "maintenant celui-ci, maintenant celui-là...". On aurait dit qu'il triait des fruits tombés d'arbres vieux et féconds.
Nouvelle "Le sorcier Bachenche".

La tiédeur de cette matinée de mars était une invitation irrésistible à la promenade. En cette saison, les nuits froides et sans confort sont suivies de journées de soleil réparateur. Foulant au hasard les sentiers tortueux, les lits des ruisseaux séchés entre des figuiers sauvages, les champs brûlés, les terrains irrigués et les étendues couvertes de chiendent, je me retrouvai près de la maison nette ombragée de nhô Bachenche, le centenaire qui avait vécu les histoires les plus anciennes de Santo Antão.