Capitaine Queen: Romance lesbienne militaire

Prologue :

La pièce lui semblait familière, froide et métallique. L’odeur persistante du diesel mélangée à une légère note de soufre imprégnait les uniformes. Cependant, c’était la première fois qu’Emma se trouvait face à cette femme. De taille moyenne, ses cheveux blonds avaient commencé à grisonner, et les ridules au coin de ses yeux témoignaient de son âge. Elle arborait un visage doux, une caractéristique plutôt rare dans ce milieu. La femme l’invita à s’asseoir, prenant place en face d’elle.

— Bonjour, Soldat Toska. Vous êtes convoquée en raison de vos résultats aux tests psychologiques.

— Pourquoi ? Ne sont-ils pas satisfaisants ? demanda-t-elle en observant avec attention la psychologue devant elle.

— Disons qu’ils sont un peu… particuliers. Avant de poursuivre votre processus de recrutement, j’aimerais compléter ces tests par un entretien. C’est pourquoi vous êtes présente aujourd’hui.

Même si Emma tenta de dissimuler ses émotions, elle se sentit blessée et agacée, comme si son passé la retenait. Nerveusement, elle se mit à jouer avec ses doigts sous la table.

— D’accord, déclara-t-elle, résignée. Vous avez déjà lu mon dossier ; vous connaissez donc parfaitement les détails. Je ne vois pas ce que je peux vous révéler de plus.

— En effet, je sais lire, j’aimerais néanmoins que vous me racontiez votre histoire, Emma, insista la psychologue.

Le corps d’Emma s’était figé, et elle se retrouvait désormais assise inconfortablement sur cette chaise. La jeune femme ne supportait pas l’idée de se livrer, surtout à des inconnus. La situation était devenue oppressante, et le silence qui l’entourait semblait l’écraser encore davantage. Elle se sentait acculée, sans autre choix que de parler. Elle tourna la tête d’un geste vif et, avec un craquement sec et distinct, sa nuque se détendit sous la pression.

Cette absence de réponse s’éternisa, mais la psychologue de l’armée n’insista plus. Le regard d’Emma restait fixé sur la table. Après que le silence fut devenu plus qu’insupportable, elle se décida à partager son histoire.

— Je n’ai jamais connu mes parents. La seule chose qu’il me reste d’eux, c’est mon nom de famille d’origine russe et la certitude que je suis née là-bas. Je n’ai jamais cherché à les retrouver ; de toute manière, ils m’ont abandonnée, alors pourquoi voudrais-je les revoir ? Je ne sais même pas s’ils sont encore en vie. Je n’accorde ma confiance à personne. La dernière famille d’accueil qui m’a hébergée le faisait pour l’argent. Ils avaient transformé les chambres en dortoirs pour maximiser le nombre d’enfants, trouvant toujours une occasion de nous maltraiter. J’ai compris très jeune que l’être humain est profondément mauvais, guidé par ses propres besoins et désirs.

Elle s’arrêta un instant, reprit son souffle sous le regard de la psy, et poursuivit :

— Alors, dès que j’ai pu, j’ai fui, échappant ainsi au système infernal. Intégrer l’armée a été ma planche de salut. J’ai trouvé des personnes capables de m’apporter de la discipline et un sentiment de sécurité. Vous devez vous dire que j’ai échangé un système contre un autre. C’est vrai, mais ici, au moins, je n’ai pas peur pour ma vie lorsque je m’endors, même si les cauchemars persistent. Cependant, être éloignée de ses démons ne signifie pas qu’ils ont disparu, n’est-ce pas ?

Emma avait exposé son histoire sans émotion, donnant l’impression de relater celle d’un tiers. Son regard semblait vide, comme si son corps était présent dans la salle, mais que son esprit errait ailleurs. La docteure en face d’elle prit quelques notes de manière réfléchie. Elle releva la tête et planta son regard dans celui d’Emma.

— Pourquoi avez-vous choisi la spécialité « Opérations psychologiques » ? s’enquit-elle.

— Tout simplement parce que je trouve cette spécialisation fascinante. Toute ma vie, j’ai été sous l’emprise de quelqu’un, que ce soit l’orphelinat ou les familles d’accueil. Apprendre à décrypter et à influencer les comportements m’est apparu comme une évidence.

La psychologue sembla réfléchir un moment avant de répondre.

— Je pense que votre passé peut être une force, à condition que vous sachiez quels démons vous tourmentent. J’accepte votre affectation à l’école de spécialisation, seulement vous viendrez me voir régulièrement, et cela n’est pas négociable !

Les yeux d’Emma s’illuminèrent d’un éclat d’espoir et elle se leva pour sortir.

— Merci.

En quittant cette pièce, Emma fut convaincue qu’elle laissait ses problèmes derrière elle.