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Critique de mediathequeguebwiller


« Au commencement était l'accident ». Cet homme travaille depuis août 1972 pour un fabricant d'automobiles. « Il teste la résistance des habitacles, au gré des heures, à l'aide de cadavres ». Il dirige le département crash-test, « une saleté de danse ». Il a fallu se faire à ce drôle de job. Puis sont venus « l'accoutumance, l'acceptation, et sans doute la résignation ». Jusqu'à ce que la discipline intérieure de l'ouvrier se fissure. « Il arrive en retard, accumule les retards, s'enfonce dans l'approximation ». Il prend un congé, atterrit dans une ville dont il ne comprend pas la langue, entre dans un cabaret. Et la voit. Elle est strip-teaseuse, elle était sûrement « autre chose » avant, on ignore son vrai nom et d'où elle vient. Mais elle sait « des tours, et ses gestes formaient dans l'air enfumé des phrases que l'oeil suivait tel un doigt mouillé parcourant des nervures de braille ». Elle s'exhibe face à ces hommes, « elle est là pour leur enseigner qu'ils ne sauront jamais rien d'elle ». Ils s'en fichent, ces hommes, « ils ont appris, très tôt, à réduire leurs partenaires à de lascives silhouettes d'encre, à des filles d'encre […] ces filles de papier dont ils peuplent leur verte puberté ». Et en voici un, de ces adolescents reclus dans sa chambre, si fiévreux, feuilletant ses bandes dessinées pour adultes, c'est le personnage du vertigineux nouveau roman de Claro, « Crash-test ».
Pour le garçon, « le monde se fait bacchanale, et son coeur réinventé devient un pouls noueux et violet qui pulse, expire et transpire à chaque page tournée ». L'ouvrier, la femme fatale, l'adolescent. Trilogie de la solitude et d'existences vissées dans le silence. Entre l'humiliation et la colère rentrée, ces trois-là sont empêchés d'aimer, de donner, de grandir. L'histoire éternelle, aussi, de la domination par la violence et le pouvoir. Une nouvelle fois, Claro donne une forme inattendue à son récit. Ses trois héros interviennent par vagues fragmentées, façon de rendre compte du chaos de leurs désirs, de leurs aspirations. Une mise en pièces détachées formidablement maîtrisée, recomposant au final le paysage de
la société soi-disant libérée des années 70, toujours terriblement d'actualité.

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