AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de 5Arabella


Claudel a écrit la première version de cette pièce en 1890-91, elle paraîtra à compte d'auteur en 1893. Très vite, il va vouloir la réécrire, il le fera en 1894-1895, lors de son séjour à Boston. Cette deuxième version sera intégrée à un recueil qui rassemble ses pièces, l'Arbre et qui sort en 1905. La conversion de Claudel intervient pendant la première rédaction de la pièce, ce qui explique la tonalité différente du troisième acte, écrit après cet événement capital dans la vie de Claudel. Elle ne sera jouée sur scène pour la première fois qu'en 1955, l'année de la mort de Claudel, dans une mise en scène de Jean Vilar.

Au premier acte nous sommes dans le jardin de Lambert de Besme, homme politique plutôt conservateur, qui dialogue avec Avare, un révolutionnaire, pendant que les incendies et signes de la révolution se multiplient dans la ville. A cette discussion succède celle d'Isidore de Besme, un savant avec Coeuvre, un poète. Entre les hommes, Lâla, la fille adoptive de Lambert qu'il veut épouser. Après y avoir consenti, Lâla finit par choisir Coeuvre.

Au deuxième acte, la révolution est consommée, Lâla a quitté Coeuvre, même si elle a eu un fils avec lui. Lambert se transforme en fossoyeur, la foule finit par tuer Besme. Avare prend le pouvoir.

Au troisième acte, la ville a été détruite, un nouvel ordre s'est mis en place. Avare quitte le pouvoir, qu'il transmet à Ivors, le fils de Lâla, qui a vécu avec lui et de Coeuvre. Ce dernier surgit, habillé en évêque et convertit Ivors pour l'entraîner dans l'établissement d'un ordre social nouveau.

Il s'agit d'une oeuvre complexe, très métaphorique, le sensible s'efface derrière les concepts, les idées, une vision du monde. La Ville métaphore des métaphores, le monde sensible, l'ordre social, mais aussi l'individu ; sa destruction et éventuelle reconstruction pouvant être envisagée comme la construction de la société, du monde des hommes, du groupe, mais aussi celle de l'individu, les deux étant finalement étroitement enchevêtrées. Chaque personnage est un symbole bien plus qu'une personne de chair et de sang. Lambert et Avare, exprimant des choix politiques opposés, Besme et Coeuvre une façon de comprendre, d'appréhender le monde soit par la science, le savoir, soit par l'art, la sensibilité. Lâla jouent le rôle de lien, de passerelle, entre les différentes facettes du rapport au monde. La synthèse se réalise à travers Ivors son fils, qui lié à tous les personnages, construit pour lui et pour les autres, un monde dans lequel les oppositions se trouvent transcendées par la foi.

Les deux premiers actes sont vraiment étonnants, il y a une analyse d'antagonismes sociaux, qui mènent d'une façon presque mécanique à l'explosion, sans que ni l'intelligence, ni la bonne volonté n'y puissent rien. La somme d'intérêts, d'égoïsmes de chacun, ne peut qu'aboutir au conflit, comme une sorte de réaction chimique. J'ai été moins convaincue par la résolution finale, le mysticisme de la conversion qui résout tout dans un grand geste. Mais l'ensemble est marquant, peut-être plus convaincant à la lecture que lors d'une représentation, qui représente une sorte de gageure, tant le côté métaphorique des personnages, et le verbe claudélien, splendide, mais au combien particulier, ne rendent pas la tâche aisée au metteur en scène et aux acteurs.
Commenter  J’apprécie          130



Ont apprécié cette critique (13)voir plus




{* *}