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Critique de Antyryia



Par la fenêtre de ma cuisine, je peux voir l'ancienne caserne militaire Schramm d'Arras, dont les travaux de rénovation sont aujourd'hui presque achevés.
Elle a été désaffectée en 1995 et réhabilitée quinze ans plus tard.
Faisant partie du patrimoine historique de la commune, la base en piètre état s'est vu offrir une nouvelle jeunesse par différents entrepreneurs, renaissant de ses cendres telle le phénix.
Soi-disant pour construire de nouveaux appartements et une résidence pour personnes âgées.
Mon oeil.
Je suis persuadé que l'armée a toujours la main mise sur cette ancienne structure et que cette histoire de logements n'est que de la poudre aux yeux pour cacher les réelles activités de ce nouveau complexe.
Vous allez penser que je suis paranoïque mais j'entends des hurlements la nuit, je vois bien la façon dont mes nouveaux voisins me regardent. Il y en a même eu un qui est venu me surveiller jusqu'à mon lieu de travail, faisant semblant de ne pas me reconnaître.
Pourquoi les murs de briques sont-ils aussi hauts ? Qui sont ces hommes en uniforme bleu, au casque jaune, armés d'un marteau-piqueur, d'une pelleteuse ou d'une tronçonneuse ?
A quelles genres d'abominations se livrent-ils dans les étroits sous-sols de cette ancienne caserne ?
Des expériences génétiques sur le clonage et les mutations ? La création d'une nouvelle arme de destruction massive ? Des dissections de babelionautes ?

Par accident nous emmène dans la petite ville américaine huppée de Westbridge.
"Cette ville est une bulle de protection teintée d'hypocrisie."
Cette commune a elle aussi eu sa base militaire cachée durant la guerre froide. Y étaient stockés des missiles sol-air qui pouvaient parcourir une distance de 12.000 kilomètres.
Dans les années 70, la base a été démantelée et reprise un peu plus tard pour le compte du ministère de l'agriculture. Mais là aussi, tout le monde n'a pas été dupe. La zone était considéré comme dangereuse et interdite d'accès.
"Hank était partisan de la thèse du complot gouvernemental."
Hank faisait partie d'un club d'élèves de terminales déterminé à découvrir quels secrets cachaient réellement l'ancien bâtiment militaire.
"Le gouvernement serait-il prêt à tuer pour protéger un secret de cette envergure ?"
C'est entre autres à cette interrogation que répondra le nouveau thriller signé Harlan Coben.

Mais bon, que serait un roman de l'Américain sans une disparition inexpliquée ? Presque un non-sens !
La personne disparue s'appelle Maura Wells. Et sa soudaine absence remonte désormais à quinze ans, alors qu'elle était encore adolescente.
Elle va cependant réapparaître sur une scène de crime. Du moins ses empreintes digitales.
Jack Malone et toute l'équipe de FBI : portés disparus auraient adoré enquêter dans les intrigues du maître du suspense, mais la série étant terminée depuis 2009 c'est l'officier Napoléon Dumas qui va s'y coller, même si l'enquête n'est pas de son ressort.

Comme son nom le laisse supposer, Napoléon Dumas a des origines françaises. Il est né à Marseille et a vécu quelques années à Lyon avant de rejoindre les USA.
Un probable clin d'oeil d'Harlan Coben à tous ses lecteurs de l'Hexagone.
Nap' est un personnage attachant, assez arrogant, riche, célibataire, qui sous un abord humoristique cache de nombreuses blessures.
C'est un flic un peu rebelle comme tant de justiciers contemporains, qui n'hésite pas à s'impliquer pour un foyer de femmes battues en démolissant occasionnellement le portrait de pères ou de maris violents.
"J'ai choisi d'enfreindre la loi, et si je suis pris, je devrais en payer le prix."
Qui aime répéter à tous les fumeurs qu'il croise qu'il vaut mieux arrêter le tabac, nocif pour la santé.
C'est aussi lui qui sortait avec Maura à l'époque de sa disparition, et n'avait jusqu'alors plus jamais eu de nouvelles d'elle.
Ce flic torturé est le narrateur mais il ne s'adresse pas au lecteur, il parle en réalité à son frère mort, Léo.
Son jumeau.
Mort déchiqueté par les roues d'un train en même temps que sa petite amie Diana.
"Le carnage était tel qu'il ne pouvait exister de lien entre ces morceaux de cire informes et toi et Diana."
"C'est déjà assez débile que je parle à mon frère mort, non ?"
Et ce drame s'est produit la nuit de la disparition de Maura.
Quinze ans plus tard, ces mystères demeurés inexpliqués refont donc surface. Nap' va progressivement être en mesure de reconstituer l'ensemble des évènements tragiques ayant abouti à ces désastres, de mensonges en révélations, de retrouvailles en désillusions.

Le roman commence sur les chapeaux de roue avec le meurtre brutal de Rex, un flic qui lui aussi appartenait à ce petit groupe d'amis, à l'époque du lycée.
Quel lien peut-il y avoir entre la chute mortelle de deux adolescents sur les rails, la disparition de Maura, et le meurtre de Rex quinze ans plus tard ?
Qu'ont-ils pu découvrir à l'époque sur cette fameuse base militaire officiellement reconvertie à des fins agricoles ?
Harlan Coben utilisera son style très rythmé habituel, ponctué de nombreux dialogues, pour éclaircir toutes les zones d'ombre.
Comme à son habitude il parvient à entraîner le lecteur dès les premières pages et à distiller les rebondissements et les fausses pistes, maintenant toujours une certaine tension, des doutes sur le rôle exact de chacun, et bien sûr une envie de connaître la suite.
Sans aucun répit jusqu'à la conclusion, où il parvient à nouveau à surprendre.

Il s'agit donc d'un Coben dans la lignée des précédents, toujours aussi prenant, toujours aussi inventif.
Les lecteurs apprécieront de retrouver, même brièvement, des personnages comme Lauren Muse et surtout Myron Bolitar, de retour de son voyages de noces.
Sans que la psychologie des personnages ne soit particulièrement affinée, j'ai beaucoup aimé leur aspect souvent nuancé. Difficile pour certains en tout cas de les faire rentrer dans la case "gentil" ou "méchant".
J'ai aussi beaucoup aimé la variété des thèmes proposés.
Peut-être pas celui de l'amour éternel que se vouent deux adolescents et qui est un peu trop récurrent dans ses écrits, mais les aspects plus sombres.
Depuis quelques romans, Harlan Coben ne nous promet plus de happy end, et si un peu d'humour permet de faire de la lecture avant tout une distraction, les sujets sont traités avec davantage de gravité que par le passé.
Celui des femmes battues n'est qu'effleuré et ne propose aucune solution ( juste une forme de satisfaction ) mais le roman comporte des passages particulièrement intéressants sur le temps qui passe, sur le dégoût des honnêtes et hypocrites citoyens envers les intrus sans domicile fixe qui polluent leur jolie ville, et des réflexions sur le deuil également. En particulier celui de Nap' qui parle encore à feu sa moitié jumelle quinze ans après son brusque décès, et aussi celui d'Augie, le chef de la police et mentor du personnage principal, qui a quant à lui perdu sa fille unique Diana dans la même collision ferroviaire, et n'a jamais pu s'en remettre réellement.
La vérité leur permettra-t-elle de tourner enfin la page ?

Toujours pas de grande révolution dans le style de l'Américain. Par accident est comme toujours un livre nerveux, qui va à cent à l'heure, avec lequel l'ennui est impossible puisque les chapitres défilent sans même que l'on ne s'en rende compte.
Pour autant, malgré ses spécificité, il ressemble quand même fort aux autres oeuvres de l'auteur et dans quelques semaines, je serai déjà probablement tout à fait incapable de le raconter, même s'il m'a fait passer un bien agréable moment.



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