AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de fulmar


Coincé entre neuf et dix d'un côté, douze et treize de l'autre, quatre nombres avec de nombreuses références, le onze a bien du mal à se faire une place parmi ses voisins prestigieux.
Comment ça ? Mais c'est le premier nombre à s'écrire avec deux fois le même chiffre ! Ah oui, pas faux, belle remarque.
Mais depuis le deuxième millénaire, le onze c'est celui de septembre 2001, une odyssée de l'espace qui s'est mal achevée.
Personnellement, je préfère me souvenir d'une photo prise avec des amis, ou plutôt de plusieurs photos pour que chacun puisse se retrouver dessus, les selfies n'étaient pas encore à la mode, c'était le 11 novembre 2011, à 11h 11. Couac ! Nous n'étions pas onze ce jour-là !

« Le onze est le symbole de la lutte intérieure, de la dissonance, de la rébellion, de l'égarement, de la transgression de la loi, du péché humain. Il est le signe de l'excès, de la démesure, du débordement, du meurtre. » définition De Beaulieu dans « La jument de la nuit ».

En poésie, les vers hendécasyllabes ont bien du mal à rivaliser avec les alexandrins. Rimbaud s'y est essayé dans « Larme » :

« Loin des oiseaux, des troupeaux, des villageoises,
Je buvais, accroupi dans quelque bruyère
Entourée de tendres bois de noisetiers,
Par un brouillard d'après-midi tiède et vert. »

Effectivement, le onze dissone, il n'a pas pas la "douze" harmonie de l'alexandrin, et ça se ressent dans le onzième roman de Jonathan Coe.
Panne de sujet, a-t-il fait le tour de ses critiques de la société britannique ? C'est sur un exercice de style qu'il base l'échafaudage de son propos.

11, c'est le numéro du domicile du ministre de l'économie, c'est celui d'un bus, d'une table, le nombre d'étages d'un immeuble souterrain.
A partir de la répétition de ce numéro, il crée un numéro d'équilibriste en cinq nouvelles qui relatent un peu plus de deux décennies dans la vie de deux femmes, Rachel et Alison, qui se croisent dans ces récits déjantés et satiriques.

La verve de l'écrivain britannique est intacte, mais je trouve qu'elle a du mal à trouver son équilibre dans cet imbroglio de situations. Un roman composé de nouvelles, il y en a plein d'autres, j'en ai fait une liste, mais c'est parfois difficile d'y trouver une unité. le temps, le lieu, les personnages, ça part dans tous les sens, Coe s'égare, le « Testament à l'anglaise » apparaît sur la couverture, mais il ne se retrouve pas vraiment dans ce roman gigogne, j'ai eu du mal à faire du lien, chaque chapitre traite un domaine particulier, mais je n'ai pas trouvé l'assemblage cohérent (Coe errant?), à partir de ce fameux numéro 11.
Juste au moment où je regarde à nouveau la couverture, je m'aperçois que « Jonathan Coe » s'écrit avec onze lettres, y a-t-il pensé, l'écrivain du débordement, tiens, onze lettres là aussi…
Mais n'est pas Pérec qui veut (ou peut).
L'autre déjanté, le Georges de « La disparition », a lui aussi pensé au numéro 11 pour un de ces romans. Dans « Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour ? », il utilise 11 mots dans le titre, 11 lettres dans les noms des deux personnages principaux, qui portent chacun dans leur patronyme la onzième lettre de l'alphabet, le K.
On peut toujours dire que tous deux sont des cas, des phénomènes de la littérature qui s'apprécient autant pour la forme que pour le fond.
Ils ont en commun cette prédilection pour le onze, car l'un comme l'autre sont le symbole de la rébellion, de la transgression, de la démesure.

Pour ce onzième Coe, j'aurais aimé un peu plus de cohérence, l'errance de Coe m'a déstabilisé, chacune de ces cinq nouvelles a son charme, mais quand on reprend les mêmes personnages dans chaque histoire, on aimerait avoir envie d'y trouver de l'homogénéité, tiens, encore onze lettres !

Vous l'aurez compris, ce numéro 11 n'aura pas été ma tasse de thé, mais ce n'est que mon avis, celui d'un lecteur parmi des centaines d'autres, qui s'égare, se rebelle, transgresse la loi du lieu commun, au mépris de toute harmonie dans son propos, sans une « onze » de bon sens.

Commenter  J’apprécie          1410



Ont apprécié cette critique (14)voir plus




{* *}