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Critique de afriqueah


Elle est belle, bien sûr, cependant il lui trouve le cou un peu trop court, il n'aime pas le parfum qu'elle met et « qui la vieillit », et puis, la première nuit de noces, elle n'a aucune pudeur, on dirait qu'elle aime ça et qu'elle en redemande. Déjà, fiancés, elle mendiait des baisers-sur-la- bouche, pire, elle en tenait la comptabilité.

Il lui en veut du plaisir qu'il lui donne.

Colette le dit avec des mots beaucoup plus fins, mais elle le dit. Camille n'émeut pas Alain, ce qu'elle affirme ne le touche pas, il est révulsé à la vue d'un cheveu noir laissé sur le lavabo, quand elle prétend le connaître, il sait que non, il s'efforce, pourtant, il essaie, il se tempère, évite les éclats et les disputes…
Et puis il y a Saha, la chatte, son amour de chatte, avec qui il communique et dont il comprend tous les Me-rroin. Elle, il l'aime, et son amour est partagé, au point que Saha se laisse mourir quand il part dans un autre appartement avec Camille. Elle reste dans le jardin où elle chasse, petite lionne féroce qui s'oublie à son animalité. Et qui essaie pourtant de se maitriser pour se rapprocher le plus possible de l'humain (comprenons : d' Alain). Elle chasse une mésange, “ Assise, les pattes jointes, son jabot de belle femme tendu » Alain la caresse au moment où elle va maitriser son instinct félin, alors la chatte le mord brusquement « pour dépenser son courroux ».
Mais contre toute attente, cet accès de sauvagerie contribue moins à ravaler Saha au rang d'animal qu'à rapprocher, par le biais de la sexualité, l'homme de la bête. « Il regarda sur sa paume deux petites perles de sang, avec l'émoi coléreux d'un homme que sa femelle a mordu en plein plaisir ».
C'est elle, la femme, depuis le début, et Camille, l'intruse, l'étrangère. Lorsque Camille parle du futur « nid » (essai de se rattraper en animalité ?) Alain et Saha préfèrent fermer les yeux, ensemble. C'est Saha, la pudique, qui essaie de cacher sa propre passion pour Alain, discrète, digne, aimant inconditionnellement, exclusivement, patiente, empressée à ne pas lui déplaire. Il souffre en pensant à la brièveté d'un si grand amour», il lui répète des litanies passionnées « Mon petit ours à grosses joues », « mon pigeon bleu », « démon couleur de perles » ou bien : « mon petit puma, ma chatte des cimes, ma chatte des lilas ».


Entre Camille et Alain, les non dits s'accumulent : il lui préfère son ombre, il la juge, et se repait des critiques qu'il entend sans être vu de la part des domestiques. le parfum ! Entêtant !Et puis l'impudeur ! Rédhibitoire ! Quand on sait combien l'odorat des chats est développé !

L'incompatibilité, à défaut de guerre, est déclarée, seuls des mots échappés et regrettés surnagent du silence. le joli couple, uni par le désir, fondu dans le plaisir, cache des sentiments plus noirs. Elle s'habille de blanc pour susciter le compliment : « ma petite mouche dans du lait », oublieuse du fait que le lait, oui, Saha boit le lait.


Colette partageant elle aussi la complicité avec les chats, sait que les paroles humaines ne sont pas nécessaires lorsqu'une entente supérieure, une transmission de pensée presque divine lie deux êtres. Alain, comme Colette, « parle » chat, il savoure la beauté du silence, aussi.
Elle a écrit « La chatte » en compagnie de la « chatte dernière », irremplaçable et pas remplacée, comme dit Alain à Saha : jamais un autre chat que toi »Camile est trop « normale », presque quelconque, elle ne comprend rien, elle se croit supérieure, elle se rebiffe: sa naïveté aveugle la condamne, sa jeunesse ne l'aide pas. Pire, elle évoque le peu de fortune de son fiancé, matérialisme impardonnable.
On souffre quand on ne comprend pas pourquoi on souffre.

Normal qu'elle soit jalouse, dans ce trio où elle n'occupe pas la bonne place, dans cet appartement triangulaire, comme dans leur triangle amoureux, d'où elle veut déloger la chatte.
« Assis, tous les deux… vous ne m'avez même pas entendue ! Vous étiez comme ça, la joue contre la joue… »
Si lui, en rêvant, pense qu'il ronronne, si Camille le voit sursauter quand elle le touche « nerveux comme un chat » lui dit-elle, la dernière phrase du roman confirme avec génie l'interaction animal-humain, car « Saha, aux aguets, suivait humainement le départ de Camille »et Alain joue comme un chat, « d'une paume adroite et creusée en patte, »avec des marrons d'Inde.
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