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Critique de Ingannmic


Jamais un roman de Velibor Čolić ne m'avait laissée aussi dubitative...

"Archanges" donne la parole à quatre personnages, liés par l'ignominie que trois d'entre eux ont fait subir au quatrième, pendant la guerre de Yougoslavie.

Les deux premiers sont toujours vivants. Esdras est sans-abri à Nice. Cet homme surnommé en son temps "le Pinochet des Balkans", termine son existence malade, alcoolique, ignoré du monde, mais accompagné de l'obsédant fantôme de Senka, adolescente qu'il a violée, mutilée, tuée. L'ombre de sa victime lui parle, s'installe sur ses genoux, lui jetant des regards plus gênants qu'accusateurs.

On sent Esdras investi d'une sorte de folie discrète, intérieure, qui le fait divaguer. Il ressasse les mêmes souvenirs, son esprit tournant en boucle autour des mêmes événements. Il imagine se transformer en singe. Il décrit les détails du crime avec un réalisme cru et une précision insupportables, évoquant les fluides corporels des bourreaux et de la victime se mêlant, jouissance inacceptable contre innocence pulvérisée dans une souffrance indicible. Il n'exprime en revanche aucun remords, Senka semble le hanter indépendamment de toute culpabilité, comme à l'insu de sa conscience. Esdras est aussi poète, un érudit admirateur de Baudelaire ou Borges, particularité qui exhausse le dégoût qu'il inspire au lecteur, qui provoque même une forme de déni, face à l'éventualité qu'une telle brute peut ne pas être que monstrueuse.

Vladislav, surnommé "Le Duc", puis "Le tronc", depuis qu'un obus l'a laissé sans membres, ami de Esdras, croupit quant à lui dans la cellule d'une prison que l'on devine située dans le nord de l'Europe. Seul, abandonné, il y subit un triple enfer : celui de la défaite, de l'immobilité et de l'insomnie. Un enfer que l'on juge bien doux au regard des exactions commises par cette légende aussi sanguinaire que son compère, qui formait avec son chien Koren, porteur d'un collier constitué d'yeux humains, un duo inspirant la terreur.

Les témoignages de deux défunts suivent ensuite : ceux de Senka et de Belgrade, l'un des fils de Vladislav, qui a également participé au calvaire de l'adolescente. Tous deux se retrouvent dans les mêmes limbes, où ils errent parmi des ombres. Et comme pour démentir la possibilité d'un paradis accueillant le repos des martyrs, Senka en est encore à y subir pelotages et fellations forcées au bénéfice de son tortionnaire, qu'elle surnomme"Jésus Tzigane".

Velibor Čolić nous livre avec "Archanges" un récit difficile, dont la lecture provoque malaise et dégoût, qui exprime la barbarie dans son insoutenable crudité, dans son ignoble absurdité. La dimension géopolitique ou idéologique de la guerre est reléguée en toile de fond, occultée au profit de la sauvagerie qu'elle génère ou à laquelle elle sert de prétexte. C'est un roman plombant, horrible de bout en bout, dénué de l'humour qui permet habituellement à l'auteur de considérer même les pires maux du monde avec dérision. Et puis, j'ai eu du mal avec la deuxième partie, et les propos par moments délirants des deux personnages défunts, que j'ai trouvés obscurs, confus.

Un roman fort, donc, mais auquel j'ai eu bien du mal à adhérer...
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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