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Critique de juanilin


Bienvenue sur les terres d'Hercynion. Quel que soit votre dieu, priez.

Jeune fille en détresse, Coline Traveler doit rallier à tout prix Alexandrie, la cité des sciences, afin de protéger son secret… Cependant, depuis New Pearl, elle ne peut traverser les Monts Andémiens sans aide. Pour cela elle se glisse clandestinement dans un avion de l'Aéropostale chargé de faire la liaison. Son premier pilote, Paulo, est plutôt débonnaire, et il accepte de la mener au premier relais. C'est surtout qu'il n'a pas le choix. Même si l'Aéropostale ne doit en aucun cas transporter de passager – afin de garantir la neutralité de ce service international – le courrier doit arriver à bon port, et surtout en temps voulu. En revanche, l'accueil du second pilote, le jeune Sacha, est beaucoup plus revêche. Qu'importe, il choisira de ne pas l'abandonner et de la mener jusqu'à Alexandrie. Jusqu'en Alexandrie. Les deux se disent, je crois. Pendant ce voyage il en apprendra plus sur Coline, et les ennuis vont commencer pour eux (pas forcément dans cet ordre)…

Qui est donc cette jeune fille solitaire, se prétendant en danger de mort ? Coline n'est pas complètement solitaire, cependant. Elle est accompagnée de Typhon, chat ailé tout autant qu'indéfectible ami. Et elle transporte une fiole contenant un étrange fluide bleu, scintillant doucement. Ce contenu n'est rien moins que le SouffleVent, la dernière invention de feu son père, climatogénéticien de génie. le SouffleVent permettrait de contrôler le climat à échelle mondiale, et ainsi potentiellement devenir une arme redoutable. C'est ce qu'elle doit protéger et amener à Alexandrie avant que les forces armées qui la pourchassent ne la rattrapent. Sacha avait raison sur un point : il regrette amèrement d'avoir permis à Coline d'embarquer…

Si les toponymes sonnent familièrement à vos oreilles, c'est normal. Mel Andoryss invite son lecteur à un tour du monde effréné, sans pour autant chercher à le perdre, au contraire. On comprendra aisément que New Pearl fait écho à New York, mégalopole au rayonnement mondial ; Coline doit rallier Alexandrie, considérée ici comme la cité des sciences et faisant explicitement référence à sa bibliothèque bien connue dans notre monde ; pour ce faire il faut traverser les Monts Andémiens par n'importe quel moyen : quel meilleur moyen de transport que l'Aéropostale, hommage non dissimulé aux aviateurs survolant la cordillère des Andes. Cette géographie faisant fortement écho à notre monde est comme une présence rassurante pour le lecteur : elle permet de suivre les protagonistes dans leur périple sans pour autant être obligé de consulter la carte en début d'ouvrage toutes les trois pages. Ledit lecteur peut ainsi voyager sans perdre complètement pied dans l'irréel : il n'a pas à tout réinventer constamment puisqu'il n'aura qu'à se fier à sa culture personnelle et son imaginaire inconscient pour se rendre compte, au final, que les lieux lui sont familiers.

Le Soufflevent m'a aussi beaucoup fait penser à Nausicaä de la Vallée du Vent, ce chef-d'oeuvre d'animation de Hayao Miyazaki. Les thèmes de l'air, du vent, des appareils volants – de l'écologie, bien sûr – sont très prégnants, au point de créer un vaste champ lexical graphique que Xavier Collette s'est apparemment fait un plaisir de transposer. On remarque sa passion commune avec Miyazaki pour les objets volants et les personnages de jeunes femmes au caractère bien trempé.

Avec le Soufflevent, Mel Andoryss signe ici un nouveau scénario riche en rebondissements, après le très remarqué Les Enfants d'Evernight (en BD chez Delcourt ; adaptée par l'auteure elle-même en roman chez Castelmore). Dense et au background profond, disposant d'enjeux géopolitiques réalistes, ce scénario ne laisse aucun répit au lecteur. Les personnages charismatiques disposent chacun d'une identité propre, aucun ne sera le clone d'un autre (exceptés certains militaires, mais c'est ici leur rôle). Une mention spéciale à Paulo, le pilote du début : en quelques répliques il apparaît comme un gars qui a tout-vu-tout-fait, généreux envers la jeunesse parce qu'il peut se le permettre (et peut-être parce que lui ne l'est plus), bourru et un peu porté sur la boisson, mais un professionnel hors pair. Il m'évoque le personnage du lièvre aviateur apparaissant au début des Enfants d'Evernight, justement : apparemment doté d'une rudesse infranchissable, mais qui se laisse finalement convaincre d'aider une jeune fille en détresse.

Ce scénario fouillé implique bien entendu une grande diversité d'images, mais Xavier Collette ne s'en laisse pas conter : l'art du découpage et des ambiances n'a déjà plus de secret pour lui. le découpage est nerveux mais reste clair et parfaitement lisible ; les couleurs absolument splendides et maîtrisées : chaque double page possède une identité qui lui est propre, et emmène le lecteur toujours plus loin à coups d'audace et d'émerveillement. L'action et la contemplation s'équilibrent ; les scènes de poursuites en avion sont d'une incroyable fluidité, et à côté de ça Xavier est capable de nous donner l'illusion du temps qui passe en une seule case, simplement en peignant un feu de brindilles dont les braises finissent de rougeoyer. On ressent la différence entre illustrateur et dessinateur, et Xavier Collette réussit les deux : chaque case est un tableau en miniature.

Cette série époustouflante est prévue en quatre tomes, et se destine clairement à un public d'adolescents amateurs de sensations fortes et avides d'émerveillement. Elle s'adresse aussi à tous les adultes fondus de Fantasy qui sont restés de grands enfants. le SouffleVent va traiter de l'écologie et de l'importance du bon fonctionnement du climat sur Terre – mais sans jamais pour autant être moralisateur – tout en embarquant le lecteur dans une folle aventure avec des personnages bénéficiant d'une force de caractère peu commune.

Ah oui : et le chat parle, aussi.
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