Citations sur L'a-t-elle empoisonné ? (15)
"La société désirait à la fois protéger les femmes et les forcer à satisfaire des attentes morales strictes qui ne s'appliquaient pas de la même façon aux hommes."
p.292
Les femmes s’avéraient au nombre de ses détracteurs les plus inflexibles et les plus acerbes. Il semblait largement admis que des pulsions « contre nature » et une sexualité « scandaleuse » allaient de pair avec le meurtre prémédité et violent.
En plus de favoriser le sommeil, le champagne avait la réputation d’être excellent pour la digestion, apaisant pour les hypocondriaques et même capable de faire cesser les vomissements.
"Son oeil tuméfié lui faisait mal, mais comme frapper son épouse était tacitement accepté si ce geste résultait d'une "exaspération" dont elle était la cause et qu'il n'allait pas trop loin, on ne ferait pas grand cas de son visage."
p.74
Rien n’est plus innocent en ce monde […] mais la couleur n’est pas une protection. Car sur la table de ce malheureux – hanté par l’arsenic – est posé un papier tue-mouches brun. […] Le spectacle d’une hécatombe de mouches est particulièrement séduisant pour l’enfant qui se tient à côté ; et comme ce papier tue-mouches est agréablement aromatisé grâce à une essence sucrée et amère, la nature enfantine sera fortement tentée de sucer ledit papier […] [qui] contient […] [une quantité d’arsenic] amplement suffisante pour empoisonner toute une famille.
Les médecins savaient que le problème de l’arsenic était qu’il ne se révélait pas au goût ni à l’odeur, qu’il était fatal à des doses relativement minuscules et que, même si l’on reconnaissait bien ses symptômes, on les confondait souvent avec les formes les plus aiguës d’intoxication alimentaire ou de dysenterie. Tout cela rendait ce poison extrêmement difficile à identifier, accroissait sa réputation d’arme sournoise et entretenait la peur largement répandue qu’il se retrouve administré soit par accident, soit à dessein.
Tout le monde savait que les domestiques épargnaient à la famille les corvées du nettoyage, du lavage, du ménage et du rangement. À mesure que la richesse industrielle alimentait l’expansion des classes moyennes, accéder au juste niveau de distinction signifiait de plus en plus embaucher des domestiques. Leurs mains devenaient épaisses et rugueuses, alors que celles de leurs patronnes demeuraient douces et blanches ; elles étaient censées être respectueuses, obéissantes et – fait essentiel – aussi invisibles et inaudibles que possible.
L’usage ordonnait que les filles ouvertement capricieuses soient impitoyablement punies, surtout par leur propre sexe qui, en cela même, s’avérait au-dessus de tout reproche.
On enseignait aux infirmières de Dover Street à étudier l’art de la patience, à être silencieuses, vigilantes, méthodiques et enjouées ; on les formait simultanément à s’assurer que la chambre du malade était bien aérée et parfaitement propre, et que le patient recevait son traitement ou sa nourriture avec une exactitude et une ponctualité absolues.
Renforcé par la popularité des romans de Dickens, l’idéal du foyer et de la famille était devenu essentiel à la société des classes moyennes : manuels, guides de bonnes manières et fiction didactique renforçaient tous les notions de soumission et d’effacement de soi. Comme on pouvait s’y attendre, les épouses qui ne se présentaient pas comme des modèles de chasteté, de moralité et de philanthropie risquaient d’être tenues pour dépravées, voire folles.