C’est la grande expérience du deuil, qui est celle de ne jamais sentir autant la présence de quelqu’un qui a l’instant où l’on comprend qu’il a disparu pour toujours.
La Recherche fait le procès de l'intelligence, lui oppose l'intuition. Avec la madeleine, le héros a l'intuition d'une autre réalité, puisque la sensation lui apporte l'extase. Nous aurons l'explication des milliers de pages plus loin, mais nous savons déjà que le bonheur de la réminiscence passe par le corps.
Si la mort est notre destin, la littérature c'est le lieu où on ne meurt pas.
"L'amour, chez Proust, est l'attente d'un bonheur qui se dérobe à mesure que nous en approchons." P 94
Savoir qu'on a plus rien à espérer n'empêche pas de continuer à attendre.
Derrière tout grand roman se cache une expérience du réel que l'auteur est parvenu à fondre, à traduire, afin que nous puissions la saisir.
Proust nous invite alors à un véritable voyage spirituel, dont les divers paliers nous font vivre et apprécier les délicieux fragments d'une réalité subtile. L'innocente madeleine condense ce qu'il appelle "les intermittences du cœur" touchant, par-delà l'enfance, au trouble de la profanation et à l'impensable de la mort.
p. 128
(Chapitre V - "L'imaginaire" par Julia Kristeva).
Il y a une beauté du souvenir chez Proust, une beauté qui surprend car elle surgit à l'improviste, autant pour le narrateur que pour le lecteur. La réminiscence involontaire, si elle est parfois douloureuse, peut être aussi pleinement heureuse. C'est une madeleine trempée dans du thé, un pavé mal équarri, le bruit d'une cuiller, ou la raideur d'une serviette qui révèlent des instants de la vie passée.
p.37
(chapitre I - "Le temps" par Antoine Compagnon).
Le livre à ses yeux n'est pas seulement un objet, un titre non plus, ou une histoire. Il est aussi un ami qui pourra peut être nous émouvoir et nous ouvrir des portes. ..
"Comme le dit Bergson, on ne voit jamais les choses mêmes, mais on voit les étiquettes qu'on a posées sur elles", p 178, chapitre Proust et les philosophes.