AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de MarcelP


"(...) son instinct de repos avait enfin trouvé son gîte."

Dernier roman achevé de l'immense Conrad, le Frère-de-la-Côte a des allures testamentaires. Plus ramassé que ses devanciers, ce récit de l'ultime exploit d'un vieux forban sous le Consulat se déroule, quasi huis-clos, dans une ferme varoise en bord de mer. Il confronte une poignée d'épaves humaines : un sanguinaire et fanatique sans-culotte, Scevola ; Catherine, une vieillarde qui expie une faute de jeunesse ; sa nièce mutique Arlette, traumatisée par les excès de la Terreur ; Michel, un simple d'esprit soumis ; Réal, un officier français au service du 1er Consul et notre écumeur des mers en retraite, le faussement paisible Peyrol. Cette laisse humaine de la Révolution s'abandonne au flux et reflux d'un destin sardonique.

Tête blanche et bras tatoués, Peyrol, alter ego touchant de l'écrivain au crépuscule de sa vie, se lance bien malgré-lui dans une ultime aventure. A bord de sa rutilante tartane, il bravera le blocus de l'Amiral Nelson et se sacrifiera pour la beauté du geste.

Savonné, rincé, le style de Conrad gagne en efficacité ce qu'il perd en profondeur. Plus question ici de discordances testimoniales, ni de chronologie convulsée : l'histoire, même si elle s'autorise quelques coups d'oeil rétrospectifs, reste linéaire. Unité de lieu, peu d'action, des dialogues étrangement hiératiques, le Frère-de-la-Côte ne cherche pas à cacher sa théâtralité douce-amère.

La mélancolie envahit rapidement ce récit désenchanté où regrets et remords constellent les consciences. Les vies rognées des personnages se font alors minuscules : chacun se dépouille et se résigne qui à la solitude, qui à la fidélité aveugle, qui à l'amour ou à la mort acceptés.

J'ai été vivement touché par ce miroir de la mer où se reflète la jeunesse du vieil écrivain bourlingueur. le roman dont l'épigraphe deviendra l'épitaphe de Conrad constitue un baroud d'honneur émouvant.

Sleep after toyle, port after stormie seas,
Ease after warre, death after life, does greatly please. (Spencer)
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
Commenter  J’apprécie          60



Ont apprécié cette critique (6)voir plus




{* *}