AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Christophe_bj


Coup de coeur ! Il y a des romans, comme celui-ci, qui vous happent dès les première lignes, vous sentez dès le début que vous allez être emportés, que ça va être une expérience fabuleuse. Vous lisez tous les jours pour tomber, de temps en temps, trop rarement, sur de telles pépites ! ● A New York, juste après Seconde Guerre mondiale, un petit garçon, Claude Rawlings, est enfermé dans un appartement misérable au sous-sol. Tout ce qu'il peut voir, par l'étroite fenêtre en demi-cercle, ce sont les pieds des passants. Il n'a pas de père et sa mère, Emma, est chauffeuse de taxi et délaisse son fils qui doit se débrouiller tout seul pour tout. Lorsqu'elle va travailler, elle le laisse seul. Il ne va même pas à l'école. Mais il va s'intéresser à un petit piano blanc qui se trouve dans sa chambre. L'instrument va le fasciner, il va peu à peu apprendre à en jouer, puis va faire la connaissance d'un marchand d'instruments de musique, Aaron Weisfeld, qui l'initiera vraiment à la musique et lui fera connaître les bons professeurs. Car il possède un don réellement exceptionnel. ● La musique (classique et jazz) est bien sûr au centre du roman, et rarement je ne l'ai vue décrite avec autant de brio. S'il y a de la théorie musicale, le plus souvent l'auteur parle de la musique avec des mots de tous les jours et de nombreuses images – métaphores et comparaisons – qui la mettent à la portée du lecteur non spécialiste. le dodécaphonisme et la musique sérielle en prennent pour leur grade : « La tonalité était une chose naturelle, vivante, le moyen d'exprimer une quantité infinie d'émotions variées. le dodécaphonisme n'était qu'une idée – une idée négative de surcroît. Une chimère. » ● le personnage principal Claude est immensément attachant ; petit garçon pauvre, il va être amené à fréquenter les plus beaux salons du Manhattan des années cinquante et à apprivoiser la condescendance et le mépris dont il va pouvoir être l'objet. Jamais il ne s'emporte, il est toujours poli avec tout le monde, aussi impoli soit-on avec lui. ● Les autres personnages sont très bien campés, que ce soit le merveilleux Aaron Weisfeld, Caroline, Lady, les professeurs de piano, Emma, Al… Ils ont tous une individualité propre, même les personnages secondaires comme l'impresario Otto ou l'avocat Larkin. ● le récit, très habilement composé d'épisodes assez brefs jouant avec la figure de l'ellipse, m'a complètement emporté et j'ai dévoré les sept cents pages en un rien de temps. Il n'y a rien de lourd, tout coule à la perfection, aucune longueur, aucun temps mort. La vie de Claude m'a fait vibrer. Que d'émotions l'auteur nous fait-il partager ! Avec quel talent ! ● Mais le plus frappant est que ce livre est spirituellement habité. A de nombreuses reprises, le narrateur nous entraîne dans des apartés sur l'âme, ou bien fait des allusions à un monde parallèle, sans développer, tout en subtilité. En cela il m'a rappelé d'autres romans que j'adore comme ceux de Cowper Powys ou le Sang noir de Guilloux (très différents mais pareillement habités, allusifs d'une autre dimension de la vie)… ● La musique est un des vecteurs dans cette autre dimension : « Pendant qu'il façonnait la musique dans sa tête et la jouait, il sentait que Fredericks la façonnait et la jouait en accord avec lui, leurs âmes jointes dans une entreprise harmonieuse, comme de vieux amis qui peuvent se parler sans mots, se communiquer une pensée avant même qu'elle n'émerge totalement, parce que la même pensée naît dans l'âme de l'autre. Claude savait qu'il était sur scène, au piano, à Longmeadow, Massachusetts, mais, en même temps, il était quelque part ailleurs, en un lieu qu'il eût été incapable de décrire, y compris à lui-même – non qu'il en éprouvât le moindre besoin, tant ce lieu paraissait céleste. Regarde ! Regarde ! Écoute ! Concentre-toi ! Ça arrive. C'est là. Ça ! » ● Mais le récit est aussi tout à fait ancré dans son temps et nous donne à voir la société américaine de l'après-guerre, le racisme, les différences sociales, l'anticommunisme, l'urbanisation… ● J'ai vraiment adoré ce roman et je le conseille vivement !
Commenter  J’apprécie          5818



Ont apprécié cette critique (57)voir plus




{* *}