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sur 1459 notes
Je ne te ferai pas l'affront de résumer un tel roman qui parle si bien de la musique. J'ai juste envie de m'asseoir sur une chaise brinquebalante dans un bar où l'on sert de la Chouffe, d'attendre la serveuse aux petits seins – oui je sais dans ce bar elle n'est malheureusement pas recrutée pour la taille de ses nibards - et te lire ce paragraphe :

« Monsieur Oliver considéra les touches un moment, retroussa les manches de sa chemise et commença à jouer, laissant échapper un grommellement étouffé du fond de sa gorge, mâchonnant sa lèvre inférieure comme un homme dans la souffrance. Il joua sans interruptions des strides et des boogies pendant plus d'une demi-heure, les mains martelant, les bras pompant, la tête et le torse immobiles. Une sueur légère perla à son front au bout d'un moment. Ce fut une tempête de notes et Claude, fasciné, regarda les bras de l'homme se croiser et se décroiser, se déplacer ensemble et séparément, et ses doigts, fonctionnant à une vitesse incroyable, arracher des thèmes limpides à une lame de fond presque irrésistible de musique. »

Tu entends cette musique, tu vois cette perle de sueur qui coule le long de sa tempe. Les mots ne sont pas que des mots, ils prennent vie dans ce corps, les notes s'envolent du livre et dansent autour de moi dans un esprit même de recueillement tant cette musique est contemplative. La beauté même du classique tel que je le conçois ; une introspection avec soi-même qui rentre en communion avec le sol, le fa ou le si bémol du compositeur. Peu importe d'ailleurs la note ou la fougue, l'âme fugue au-delà des pages et des chapitres.

Claude est cet enfant prodige, né sans père, enfermé presque dans un sous-sol crasseux de New-York. Il a un don, il a une chance, celle de trouver un professeur qui lui donne des cours pour 25 cents, celle de se voir entourer des plus grands interprètes du moment, celle de croiser le regard d'un joueur de blues qui lui donnera un petit bout de papier avec quelques notes de boogie. Mais le don ne suffit pas, ni même la chance. Il y a aussi la volonté, l'abnégation, le désir omniprésent d'apprendre et d'être le meilleur, du moins de faire honneur à ce Steinway et à tous ces professeurs qui ont cru en lui et lui ont donné le coup de pouce nécessaire pour percer dans ce milieu très fermé, bourgeois et guindé.

« Corps et âme », Claude les donnera à sa musique, à son piano, à ce vieux monsieur Weisfeld. Il deviendra virtuose, le pianiste que les plus grands voudront s'arracher mais l'esprit ouvert par son apprentissage incessant, il s'intéressera autant à Beethoven qu'à la musique contemporaine, ira perdre son âme dans les boogies des clubs de jazz, découvrant le sens profond de la musique avec le Be-bop de Charlie Parker ou à la virtuosité et l'improvisation d'Art Tatum. Parce que Frank Conroy n'hésite pas à faire cohabiter le classique au jazz et à les mettre au même niveau d'émotion.

Et comment ne pas être ému par certains passages décrivant les pulsions créatrices de ces musiciens. Des larmes s'écouleraient presque tant je suis surpris par la perception de ces mots qui font échos en moi comme une petite musique venue bercée mon corps et mon âme. Quand Claude joue, je l'écoute, j'ai des frissons, je pleure même – et même si le roman traîne parfois en longueur, il est parcouru par certains moments de grâce. Quand Claude s'installe dans son costume de pingouin avec ou sans queue de pie, qu'il s'installe sur le petit tabouret devant le majestueux Steinway du Carnegie Hall ou qu'il s'échappe dans un club de jazz et de noirs pour jouer quelques notes de blues furieusement sauvage, quand il s'installe seul dans son sous-sol qui lui sert de studio et qu'il fredonne quelques goualantes à la mélodie triste et mélancolique, c'est toute ma lecture qui s'en trouve bouleversée et émue.
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A la fermeture de ce livre, je me retrouve identique à la dernière note d'un concert fabuleux : hébétée, les bas en l'air, incapable d'applaudir tellement ce fut beau et bon. Quelqu'un disait qu'après Mozart, le silence qui suivait était encore du Mozart……….l'après de ce livre est encore le livre.
L'écriture se déroule tel un legato, sans rupture ni temps mort ; l'intensité est modulée au gré des mots et des chapitres.
Les pages s'enchainent, tel un mouvement perpétuel dans lequel le lecteur rentre, sans y éprouver la moindre lassitude, aucun mot de trop, aucune longueur. Tout y est intense, concentré, fort.
Je me souviens particulièrement du passage lorsque Claude déchiffre le concerto pour 2 pianos de Mozart…………..j'en entendais presque les notes………frustrée tout de même de pas avoir l'enregistrement à portée de main pour m'accompagner.
La musique est omniprésente, tel un personnage à part entière. Elle fait corps avec Claude Rawling.
« Aussi singulier ou mystérieux que fût l'environnement (…), où qu'il se trouvât, dès qu'il s'asseyait au piano, le monde qui l'entourait n'avait simplement plus d'importance. Sa relation physique avec le piano était immuable. Tout le reste était là. Ses repères étaient là » p 210
Les références musicales sont nombreuses, sans élitisme. Même non averti dans le domaine, le lecteur ‘y retrouvera.
Quel bonheur de se promener avec Mozart, Chopin, Bach, mais aussi les plus grands jazzmen de l'après guerre……

En dehors de la musique, l'auteur a su donner de la consistance à son autre personnage clé du roman Claude Rawling. Nous faisons la connaissance d'un jeune garçon, pauvre, un peu livré à lui-même, qui vit avec une mère fantasque dans le New York bouillonnant des années 40.Son destin était tout tracé………….sauf qu'à New York, dans ces années là, pour peu que l'on soit un peu ambitieux, et travailleur, tout était possible. Si l'on rajoute à cela un petit coup de pouce du destin, la confiance d'un voisin dans lequel Claude va trouver le père manquant, l'avenir s'ouvre en grand devant lui. Un prodige, très vite conscient de ce qu'il est, va prendre le lecteur et l'accompagner dans son ascension musicale, et sociale ; dans sa vie d'homme, avec ses joies et ses meurtrissures, ses secrets.
Assurément ce livre est un immense coup de coeur.












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Souvent j'ai pensé que les musiciens avaient un supplément d'âme, un savoir qui leur donnait accès à un monde extraordinaire, un domaine que ma méconnaissance de la musique m'avait rendu inaccessible, malgré la passion que j'en avais.

Un univers décrit formidablement dans ce roman des rencontres et des partages d'un élève et de ses professeurs livrés corps et âme à la musique, l'histoire de la naissance d'un jeune prodige devenu un pianiste virtuose, un garçon pauvre que rien ne prédisposait à ce destin, si ce n'est un vieux piano désaccordé au fond de l'antre où sa ma mère l'abandonnait quotidiennement.

Lire ce récit envoûtant de Frank Conroy, qui évoque longuement la technique et la complexité de la composition musicale pour mieux nous faire entrevoir l'immensité de l'étendue de ses possibles, est pour les profanes (et les autres peut-être) ne plus jamais écouter la musique et ses interprètes de la même manière, j'en ai fait l'expérience hier soir à Gaveau.
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Corps et âme, c’est l’histoire d’un don. Un don accordé par la grâce, ou la génétique, à Claude, petit garçon chétif, qui vit dans un sous-sol avec sa mère, à New-York dans les années ’40. Livré à lui-même pendant que sa mère fait le taxi, Claude a découvert sous un tas de vieux papiers au fond de l’appartement, un petit piano désaccordé. L’enfant essaie d’apprivoiser l’instrument, d’en comprendre le clavier. C’est la naissance d’une passion, d’un pur talent de musicien, et le début d’années de travail acharné. Le hasard (quasiment un miracle) mettra sur la route de Claude un certain Mr. Weisfeld, qui comprend très vite que ce petit bonhomme est un prodige, et qui deviendra son premier professeur, son mentor et protecteur, véritable père de substitution. Grâce à lui, Claude aura par la suite les professeurs les plus prestigieux, fera ses études dans les meilleurs collèges.
D’un appartement miteux aux ors des plus grandes salles de concert de la planète, Corps et âme est l’histoire d’une vie consacrée au piano, d’une vocation, comme quand on entre en religion. La musique classique constitue le noyau de ce roman, autour duquel gravitent d’autres thèmes : le jazz, les différences sociales, l’amour, la paternité, le succès et la jalousie, les relents du nazisme, l’argent et le boom immobilier new-yorkais.
Voilà pour le résumé. Maintenant…Comment vous faire comprendre ce que j’ai ressenti pendant cette lecture… On dit qu’après Mozart, le silence qui suit est encore de Mozart. Je fais partie d’un chœur amateur, et il m’arrive aussi d’assister à des concerts de musique classique. Certaines œuvres procurent des sensations intenses, de bien-être, de plaisir pur, sans oublier le stress, le trac qui précède l’entrée en scène. Souvent, à la toute fin du morceau, le temps reste suspendu à la baguette du chef pendant quelques secondes, personne ne bouge ni ne souffle le moindre mot, comme si tous, chanteurs, musiciens, chef, auditoire, voulaient prolonger les émotions éprouvées pendant le morceau, au-delà de la partition. Quelques secondes pour que les dernières ondes sonores se dissolvent dans les plafonds de la salle de concert, pour que les corps et les âmes, habités par la musique, reviennent à la réalité. C’est là que la tension se relâche, que le chef abaisse le bras, que les musiciens et choristes reposent instruments et partitions, que le public se déchaîne en applaudissements. Soulagement et euphorie mêlés, c’est jouissif et fascinant. De la même façon, il est tout aussi fascinant d’observer un musicien ou un chef d’orchestre pendant un concert, et d’assister au moment du lâcher-prise par rapport à la réalité, le corps et l’esprit emportés et portés par les nuances de la partition, totalement étranger à tout ce qui n’est pas musique. L’expression « corps et âme », c’est exactement ça. En l’occurrence, le petit miracle de Frank Conroy, c’est d’avoir su restituer à la perfection les états d’âme de son héros, futur pianiste virtuose, et de réussir à nous faire entendre la musique qu’il décrit. Les non-musiciens pourraient trouver ces descriptions rébarbatives, et j’avoue que je n’ai pas tout compris de la musique atonale, mais ce n’est pas gênant. Les sceptiques pourraient aussi trouver cette histoire trop belle pour être honnête, avec cette incroyable succession de coups de chance, mais je ne crois pas que ça nuise à sa crédibilité. Vous allez me trouver guimauve, mais tant pis, moi, à Noël, j’aime bien les belles histoires…
Joyeux Noël à tous ! :-)
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Pour Claude, les journées dans le petit appartement de la cave offrent peu de distraction : le passage des piétons devant le soupirail et un peu de musique à la radio. Quand il trouve le petit piano blanc, il commence par jouer pour conjurer la solitude, car la cacophonie vaut mieux que le silence ou la pesante présence de sa mère dont les activités nocturnes semblent lui attirer bien des ennuis. Emma est « une grande femme en colère, prisonnière d'un discours perpétuel qui semblait se nourrir de lui-même. » (p. 115) Rapidement, Claude se découvre une passion et un don pour la musique. Avec l'aide d'Aaron Weisfeld, le propriétaire du magasin de musique voisin, le petit garçon apprend et travaille avec patience et acharnement. « La musique était là, simplement, sans qu'il y pense, sans qu'il se concentre sur elle. Il n'en était pas plus conscient que de sa propre respiration. Il n'avait pas l'impression qu'il la faisait mais qu'elle existait indépendamment, circulant dans un coin de son cerveau. » (p. 79)

Claude apprend vite et développe son talent avec une aisance qui impressionne ses maîtres. Jeune prodige, il entre très tôt dans le monde des concertistes. La musique lui est aussi nécessaire que l'air, elle est même un second souffle indispensable. « À l'exception possible de Weisfeld, nul ne savait que la musique l'avait sauvé. Que grâce à elle, il l'avait échappé belle. […] Sans musique, il serait encore, et toujours, cet enfant vague, faible, aussi évanescent qu'une volute de fumée. » (p. 301) Par certains côtés, et en dépit des nombreuses rencontres qu'il fait, Claude est coupé du monde, en apesanteur dans une bulle qui vibre d'accords et de notes. Entre répertoire classique et rythmes jazzy, Claude fait chanter les pianos et il donne à la musique une densité légère et enveloppante. « La musique est ce qui compte le plus au monde, pour moi. […] Plus je fais de la musique, plus ça me paraît évident. Je voudrais jouer, je voudrais composer. La musique ne s'épuisera jamais. Elle ne disparaîtra jamais. Je voudrais donc lui consacrer ma vie. » (p. 282)

Il y a beaucoup de théorie musicale dans ce roman, mais il n'est pas besoin de la comprendre pour saisir l'extraordinaire mélodie qui sourd des mots et qui émane du roman tout entier. Corps et âme est un texte émouvant, parfois drôle et acerbe. C'est un roman fleuve qui entraîne le lecteur dans une frénésie harmonique, au sein d'une New York qui se déconstruit et revêt les atours de la modernité. Chaque fois que j'ouvrais le livre, je plongeais dans un monde très beau et délicat, suivant l'histoire de Claude en retenant mon souffle devant la beauté de cette partition littéraire.
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Ce roman est dense !

On y suit à New York dans les années 1940, un garçon de six ans pauvre, Claude Rawlings, seul toute la journée dans un sous-sol, sa mère assez excentrique et alcoolique travaillant la journée dans son taxi. Il ne peut qu'observer le va-et-vient des passants par le soupirail, jusqu'à ce qu'il s'intéresse, dans le fouillis de ce sous-sol, à un piano…

C'est le roman de la découverte d'un talent et d'une passion pour la musique qui va le mener vers les sommets (Carnegie Hall) tant dans l'interprétation que dans la composition.

Il va bénéficier de beaucoup de chance car son talent va être remarqué, mais cela n'explique qu'en partie son ascension : il est également extrêmement travailleur, il se dédie à fond à son art.

il doit à un gérant de magasin d'instruments de musique, M. Weisfeld, la découverte de ses grandes facultés, celui-ci le suivra dans toutes les étapes de sa carrière et le considérera comme son fils.

C'est un roman où la musique est omniprésente, l'auteur nous citant les morceaux joués par Claude Rawlings, j'ai accompagné ma lecture par leur écoute, surtout de musique classique mais également de très nombreux morceaux de jazz.
J'ai eu parfois du mal à suivre certains développements poussés sur la technique pianistique ou la théorie musicale, ceux-ci pouvant être décrits sur plusieurs pages mais je dois reconnaître que cela ne m'a absolument pas gêné.

C'est aussi un récit qui ne fait pas abstraction de l'époque qu'il traverse : la ville de New-York, ses contrastes entre riches et pauvres, l'urbanisation, les intimidations des promoteurs, la Shoah, le racisme, la lutte contre les activités anti-américaines.

Toute cette évolution de Claude Rawlings fait l'objet d'un petit pavé de près de sept cent pages, on le suit chez ses divers professeurs, dans ses tentatives de récolter quelques pièces de monnaie, dans ses relations avec sa mère, personnage perturbé et déséquilibré, dans ses amours, ses expériences sexuelles, son passage dans une école de standing, son mariage, etc.

Tous les personnages sont intéressants et bien dépeints, leurs relations entre eux bien développées (notamment avec M. Weisfeld mais aussi avec Catherine, Al, Fredericks, Lady, Frescobaldi, je ne vous en dit pas plus, à vous de les découvrir !
de nombreuses personnalités de la musique apparaissent, parfois furtivement: Aaron Copland, Kirsten Flagstad, Rubinstein…

Si j'ajoute enfin que le roman est bien documenté et bien écrit, Vous constaterez que ce fut pour moi une très belle expérience de lecture !

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Coup de coeur ! Il y a des romans, comme celui-ci, qui vous happent dès les première lignes, vous sentez dès le début que vous allez être emportés, que ça va être une expérience fabuleuse. Vous lisez tous les jours pour tomber, de temps en temps, trop rarement, sur de telles pépites ! ● A New York, juste après Seconde Guerre mondiale, un petit garçon, Claude Rawlings, est enfermé dans un appartement misérable au sous-sol. Tout ce qu'il peut voir, par l'étroite fenêtre en demi-cercle, ce sont les pieds des passants. Il n'a pas de père et sa mère, Emma, est chauffeuse de taxi et délaisse son fils qui doit se débrouiller tout seul pour tout. Lorsqu'elle va travailler, elle le laisse seul. Il ne va même pas à l'école. Mais il va s'intéresser à un petit piano blanc qui se trouve dans sa chambre. L'instrument va le fasciner, il va peu à peu apprendre à en jouer, puis va faire la connaissance d'un marchand d'instruments de musique, Aaron Weisfeld, qui l'initiera vraiment à la musique et lui fera connaître les bons professeurs. Car il possède un don réellement exceptionnel. ● La musique (classique et jazz) est bien sûr au centre du roman, et rarement je ne l'ai vue décrite avec autant de brio. S'il y a de la théorie musicale, le plus souvent l'auteur parle de la musique avec des mots de tous les jours et de nombreuses images – métaphores et comparaisons – qui la mettent à la portée du lecteur non spécialiste. le dodécaphonisme et la musique sérielle en prennent pour leur grade : « La tonalité était une chose naturelle, vivante, le moyen d'exprimer une quantité infinie d'émotions variées. le dodécaphonisme n'était qu'une idée – une idée négative de surcroît. Une chimère. » ● le personnage principal Claude est immensément attachant ; petit garçon pauvre, il va être amené à fréquenter les plus beaux salons du Manhattan des années cinquante et à apprivoiser la condescendance et le mépris dont il va pouvoir être l'objet. Jamais il ne s'emporte, il est toujours poli avec tout le monde, aussi impoli soit-on avec lui. ● Les autres personnages sont très bien campés, que ce soit le merveilleux Aaron Weisfeld, Caroline, Lady, les professeurs de piano, Emma, Al… Ils ont tous une individualité propre, même les personnages secondaires comme l'impresario Otto ou l'avocat Larkin. ● le récit, très habilement composé d'épisodes assez brefs jouant avec la figure de l'ellipse, m'a complètement emporté et j'ai dévoré les sept cents pages en un rien de temps. Il n'y a rien de lourd, tout coule à la perfection, aucune longueur, aucun temps mort. La vie de Claude m'a fait vibrer. Que d'émotions l'auteur nous fait-il partager ! Avec quel talent ! ● Mais le plus frappant est que ce livre est spirituellement habité. A de nombreuses reprises, le narrateur nous entraîne dans des apartés sur l'âme, ou bien fait des allusions à un monde parallèle, sans développer, tout en subtilité. En cela il m'a rappelé d'autres romans que j'adore comme ceux de Cowper Powys ou le Sang noir de Guilloux (très différents mais pareillement habités, allusifs d'une autre dimension de la vie)… ● La musique est un des vecteurs dans cette autre dimension : « Pendant qu'il façonnait la musique dans sa tête et la jouait, il sentait que Fredericks la façonnait et la jouait en accord avec lui, leurs âmes jointes dans une entreprise harmonieuse, comme de vieux amis qui peuvent se parler sans mots, se communiquer une pensée avant même qu'elle n'émerge totalement, parce que la même pensée naît dans l'âme de l'autre. Claude savait qu'il était sur scène, au piano, à Longmeadow, Massachusetts, mais, en même temps, il était quelque part ailleurs, en un lieu qu'il eût été incapable de décrire, y compris à lui-même – non qu'il en éprouvât le moindre besoin, tant ce lieu paraissait céleste. Regarde ! Regarde ! Écoute ! Concentre-toi ! Ça arrive. C'est là. Ça ! » ● Mais le récit est aussi tout à fait ancré dans son temps et nous donne à voir la société américaine de l'après-guerre, le racisme, les différences sociales, l'anticommunisme, l'urbanisation… ● J'ai vraiment adoré ce roman et je le conseille vivement !
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Corps et âme, voilà l'expression la plus consacrée à mon sens pour rendre compte de toute l'amplitude, la force, la grâce qu'évoque la musique dans ce livre.
On est enchanté, ému, fasciné par le pouvoir fascinant qu'apporte la musique dans une vie.
Dès les premières pages du livre, on est happé par cet enfant prodige, pauvre qui va découvrir son don miraculeux pour jouer de la musique.
Comme le dit l'auteur lui-même, le NEW-YORK qu'il évoque est celui des années 40, ce monde a disparu.
Et, pourtant quand on se promène dans des petites rues de Brooklyn aujourd'hui, avec un peu de chance et un peu d'imagination, on entend sans peine ce petit Claude jouer. En tout cas, c'est ce que je souhaite croire.
Le roman nous parle avec beaucoup de pudeur d'un autre monde disparu, celui de ce vieux juif qui a fui l'Europe après la guerre et qui va tout donner à cet enfant " de la rue" lui permettant de développer son don de musicien.
Cette filiation "spirituelle" est extrêmement bouleversante et m'a beaucoup touchée.
Claude, cet enfant prodige va vivre sa passion de la musique corps et âme, sa vie est transfigurée par ce don. Nous suivons tout son parcours jusqu'à sa vie d'adulte consacré comme un musicien hors pair.
Les mots sont inutiles pour tenter de décrire la force, la magie que peuvent apporter la musique dans une vie.
Pour moi, elle est essentielle, à 10 ans quand j'écoutais de la musique classique, les larmes me venaient, une émotion incontrôlable.
Aujourd'hui, je sais depuis longtemps qu'elle est indispensable dans une vie, c'est une grâce.
La musique caresse l'âme.
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Un grand roman, épique, magistral, qui prend aux tripes et ne vous lâche plus.
Claude Rawlings est un gamin âgé d'à peine six ans qui regarde les gens aller et venir par le soupirail de la cave dans laquelle il vit avec sa mère. Cette dernière, Emma, 1 mètre 80 pour 135 kg, est chauffeur de taxi dans le New-York des années quarante. Il découvre un jour dans la chambre du fond, un petit piano. Tapotant les touches, son âme de musicien va se révéler à lui. Détenteur d'un don rare pour la musique, les rencontres qu'il va faire vont le propulser dans les plus hautes sphères de cet art. Mais tout ne sera pas toujours aussi simple…
« Corps et âme » est le roman parfait, intelligent et documenté. Frank Conroy maîtrise parfaitement son sujet, c'est un mélomane. Il vulgarise tout le processus de la composition à l'interprétation, décrivant la musique comme étant bien plus qu'une simple mélodie, bien plus qu'une simple brochette de notes. Il explique clairement au profane toute la terminologie employée en musicologie. Il divinise l'interprète inspiré.
« Ils jouaient la musique, esprits, corps et âmes tendus vers la limite, mais il était vrai que la musique les jouait aussi. »
L'histoire est fascinante au point de vous arracher des larmes de joie tant certaines situations sont intenses. Elle nous rappelle que la vie sait donner beaucoup mais sait aussi reprendre.
C'est sans conteste une oeuvre majeure de la littérature américaine qui remplit admirablement le contrat de nous divertir, de nous enseigner et de nous captiver. C'est un immense moment de plaisir que seule la dernière page interrompt, car malheureusement tout a une fin, et cette fin Frank Conroy l'a voulue abrupte !
A découvrir absolument.
Traduction de Nadia Akrouf
Editions Gallimard, Folio, 683 pages.
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Avec en sous-titre « L'enfant prodige », un roman initiatique de musique et de New York.

Un enfant qui vit une grande solitude, parce qu'il vit seul avec sa mère et que celle-ci travaille de longues heures comme chauffeur de taxi. Il se sent très mal, jusqu'à ce qu'il commence à découvrir les sons d'un vieux piano et le pouvoir de la musique. Mais le véritable tournant de sa vie sera lorsqu'il pénètrera dans le magasin de M. Weisfeld, qui s'apercevra que l'enfant est doué, très doué. Il lui donnera des leçons de piano et le confiera à des professeurs réputés qui l'aideront à développer ses talents, jusqu'à une carrière internationale.

C'est un roman dans lequel la musique a beaucoup, beaucoup d'importance. On y parle de théories musicales, de longues heures de pratique, mais on y parle surtout des grands bonheurs de la musique, les envolées de l'âme vers le ciel qui permettent d'oublier tout le reste.

C'est aussi l'histoire de l'évolution d'un jeune garçon, de l'enfance à l'âge adulte, les premiers émois de l'amour, la solitude d'un être à part, le développement de la confiance en soi et en les autres, le travail acharné et les succès inespérés. Malgré les débuts difficiles de sa vie, il sera protégé par la bienveillance de nombreuses personnes désintéressées qui lui permettront de se consacrer à ses dons musicaux.

Et le décor, c'est celui du New York des années cinquante et soixante, des classes sociales qui continuent d'exister, de la corruption et du pouvoir des riches, du racisme.

Un grand roman, un pavé de presque 700 pages en poche, une lecture pour comprendre un peu les prodiges de la musique.
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