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Critique de PegLutine


Quand je lis des livres qui se passent pendant la seconde guerre mondiale, je finis par penser que la mémoire traumatique traverse les générations. Il parait que ça porte un nom, c'est un champ d'étude au croisement de la psychanalyse et de "l'épigénétique". Je ne sais pas grand chose sur ce qu'ont vécu mes grands-parents et arrière-grands-parents. Mais je sais qu'un de mes arrière-grand-père était prisonnier, il a écrit à sa femme et sa fille, j'ai vu les cartes, il s'est évadé grâce à une carte de l'Allemagne glissé dans un courrier et qui a miraculeusement échappé aux regards des censeurs. Il est rentré et il s'est caché. Je sais aussi que ma grand-mère a perdu un ami très cher le jour de la Libération. A 16 ans, il s'est noyé dans un canal parisien.
Mais tout cela n'a pas de lien direct avec le livre que je viens de finir "Les enfants du Lutetia"... Alors je m'interroge: comment est-ce possible que je sois toujours autant à fleur de peau et oppressée dès que j'aborde un récit de déportation, de Résistance, d'engagement, de terreur, de traque, alors que j'ai tellement lu de livres qui parlent de toute cette période tragique? Comment se fait-il que je sois toujours aussi touchée, bouleversée, mais attirée? Quel étrange mécanisme de mon cerveau me porte à souffrir en empathie totale, à m'interroger toujours sur mon éventuel comportement si j'avais été un des héros ou une des héroïnes de ces romans? Comment est-ce possible qu'après avoir lu Lutetia de Pierre Assouline (un pavé quasi exhaustif autour du destin de ce palace parisien!), ma main ait choisi de m'y replonger en cliquant sur ce petit roman jeunesse lors d'une masse critique?... Qu'est-ce que je pensais trouver comme histoire inédite?
Il faut que je m'y fasse: je n'en aurai jamais fini avec ce sujet. D'autant que Rachel Corenblit a un joli don d'écriture et qu'elle a su décrire les émotions successives de ces enfants qui attendent tous les jours un signe de leur famille. L'envie de retrouver sa famille, mais la hantise de les voir aussi abimés, décharnés et éteints que tous ceux qui arrivent. Les souvenirs qu'il faut raviver sous peine de les perdre et de se sentir deux fois orphelins. La culpabilité d'être là, à la place de quelqu'un peut-être, la culpabilité des vivants, mais la joie de vivre qui permet de se reconstruire, grâce à une personne qui ne vous lâche pas, grâce aux souvenirs par procuration de ceux qui ont croisé les chemins des êtres aimés, grâce à l'amitié, grâce à la musique...
Fort, triste, tragique, accablant, horrible, mais l'espoir, on n'y peut rien l'espoir est là, dans le coeur de ces adolescent·es qui portent un manque trop lourd sur leurs épaules.
Littérature jeunesse? Mais vous voyez bien que ces récits sont universels, ça n'a rien à voir avec l'âge des personnages! En tout cas un grand merci (encore une fois!) à Babelio, à l'auteure et aux éditions du Mercredi. Un coup de coeur!
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