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Critique de 5Arabella


Sans doute jouée pour la première fois en 1630, la pièce est éditée en 1632, donc avant Mélite, sans doute le succès de cette deuxième pièce de Corneille étant moindre. Dans cette première édition, la pièce est définie comme une tragi-comédie. Dans le classement des genres, la comédie était considérée comme un genre mineur, la tragi-comédie comme un grand genre, Corneille souhaitait donc changer de catégorie. D'autant plus que dans la préface de la première édition, il fait état de critiques s'étant fait jour au sujet de Mélite : petit sujet sans grands effets, et non respect de la règle d'unité de temps (« règle d'un jour »).

Tout le long de sa carrière Corneille semble avoir été sensible aux critiques faites à ses pièces par « les doctes », ceux qui vont définir petit à petit ce que doit être une pièce de théâtre. Après la violente querelle du Cid, et la condamnation de sa pièce par l'Académie, il a arrêté d'écrire pendant plusieurs années, tout en faisant un travail théorique, en partant d'Aristote pour donner ses propres définitions.

Après le grand succès de Mélite, il aurait été sans doute plus logique de poursuivre par une comédie de la même veine (ce qu'il fera ensuite), mais Corneille tente une tragi-comédie, le genre en vogue à l'époque, tellement en vogue d'ailleurs qu'aucune tragédie n'est créée à Paris pendant quelques années. Genre qui va connaître une très rapide éclipse, avec une participation décisive de Corneille : le Cid, tragi-comédie atypique, va en quelque sorte dynamiter le genre, et participer au retour d'une tragédie renouvelée. Au point que dans l' édition de 1660, Corneille ne va plus parler de tragi-comédies, mais rebaptiser ses pièces, dont ce Clitandre, en tragédies. Et comme certaines des oeuvres qu'il écrit ne rentrent pas dans ce qu'il met derrière ce terme, il va même inventer un genre nouveau, celui de la « Comédie héroïque », qui ne connaîtra il est vrai que peu de succès, et qui à part deux pièces de Corneille, ne sera repris qu'une fois par Molière, dans sa seule pièce non comique, Dom Garcie de Navarre. Mais cela montre à quel point Corneille considérait la tragi-comédie comme complètement obsolète.

Clitandre ne semble pas avoir laissé un bon souvenir à Corneille. Il dénigre la pièce dans l'Examen qui l'accompagne dans l'édition de 1660, la pièce est aussi pas mal remaniée, elle ne semble pas avoir été jouée dans cette nouvelle version.

La pièce d'origine est en fait une véritable tragi-comédie, avec des lieux et actions multiples et spectaculaires, de nombreux personnages nobles ou royaux, et une fin heureuses avec deux mariages et le méchant puni. Les spectateurs pouvaient assister sur scène à des duels, une tentative de viol, un oeil crevé….Nous sommes loin de la sobriété de la tragédie dans laquelle tout se passe dans le discours, par la parole. La tragi-comédie était du grand spectacle, qui donnait à voir. Et Corneille est vraiment dans ce registre dans Clitandre. Même si sa pièce est bien plus sobre et cohérente que bien des tragi-comédies de l'époque, ce qui peut d'ailleurs expliquer son manque de succès.

Caliste est aimée de plusieurs hommes, dont Clitandre, mais elle lui préfère Rosidor. Ce dernier est aussi l'objet de l'amour de Dorise, la soeur de Caliste. Qui attire sa soeur en dehors de la ville pour tenter de la tuer. En même temps Pymante, amoureux de Dorise qui le dédaigne, contrefait l'écriture de Clitandre prétendant provoquer Rosidor à un duel, et déguisé tente de tuer Rosidor avec ses sbires. Rosidor défait ses attaquants, et Caliste échappe à Dorise. Ils se retrouvent, et vont dénoncer les complots dont ils ont été victimes au Roi. Qui fait arrêter Clitandre pour le faire exécuter. Dorise sauve la vie du prince, que Pymante voulait tuer. Les machinations de ce dernier sont éventées, et il sera exécuté ; Clitandre libéré, épousera finalement Dorise, qui est pardonnée.

Il est fascinant de voir avec quelle facilité Corneille se coule dans le genre de la tragi-comédie. D'autant plus, que contrairement aux pratiques de l'époque, il ne paraît pas avoir adapté un texte déjà existant, mais avoir inventé son histoire, avec sans doute quelques l'utilisation de thèmes divers alors à la mode. Peut-être que si le succès avait été au rendez-vous, Corneille aurait continué dans cette veine dans ses pièces suivantes. Il a finalement préféré revenir au genre de la comédie, avec lequel il avait connu un grand succès, et qui semble lui avoir réussi dans ses pièces suivantes. Avant de s'attaquer à la tragédie, mais c'est une autre histoire.
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