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Critique de 5Arabella


Première pièce de Pierre Corneille, représentée sans doute en 1629 par la troupe de Mondory à Paris, elle a connue un très grand succès, qui retarda sa publication jusqu'en 1633 (une pièce publiée tombait en quelque sorte dans le domaine public, et pouvait être reprise par les troupes rivales).

Le succès de cette pièce s'explique en partie par la nouveauté qu'elle représentait, et que Corneille va continuer à exploiter dans ses comédies suivantes. La comédie qui s'est mise en place à la Renaissance voulait éradiquer le comique de la farce du Moyen-Age jugé grossier. Pour se faire elle s'est tournée vers les modèles anciens, surtout des auteurs latins, Plaute et encore plus Térence. Avec aussi bien sûr comme modèle la comédie italienne, qui déjà avait pris comme modèle le théâtre antique. Dans la plupart de ces comédies, le ressort comique tournait autour de l'amour d'un jeune homme pour une jeune fille, rendue inaccessible, par un père, un tuteur ou autre. le valet ingénieux de notre amoureux va résoudre la situation, tout en rendant au passage ridicule le fâcheux qui voudrait empêcher le mariage, qui est l'issue obligée de l'histoire. La jeune fille en elle-même n'a en général qu'un rôle très effacé, dans certaines pièces elle n'apparaît même pas. le rôle principal revient au valet. Ce genre va persister, même s'il ne sera plus dominant, malgré l'apparition d'autres genres de comique, on peut citer parmi les exemple Les fourberies de Scapin de Molière, et encore plus tardivement le barbier de Séville de Beaumarchais, qui en est, en quelque sorte, le dernier feu d'artifice.

Corneille va trouver une autre source d'inspiration pour donner une autre tonalité à ses comédies. Ce sera la pastorale, avec les amours des bergers et bergères, les chaînes amoureuses, les situations d'amoureux qui aiment qui ne les aiment pas et qui fuient celles ou ceux qui les aiment. de ceux qui aiment mais dont les amours sont contrariés, ou jalousés, bien que la convention veut que les obstacles soient vaincus et que le mariage termine tout cela. Mais il va déplacer ces histoires en ville, chez les nobles ou riches bourgeois, un peu le public susceptible d'aller voir des pièces de théâtre en somme. Il se prévaut de s'exprimer dans un langage naturel, celui que ses spectateur pouvaient utiliser. le comique qu'il revendique est celui de l'enjouement, loin d'un rire grossier et exagéré, provoqué par un valet insolent ou par un personnage ridicule outré.

Il s'agit en fait de ce que l'on pourrait appeler des comédies sentimentales, genre qui a connu depuis un succès continu, qui se poursuit sans faiblir par exemple dans un certain nombre de films hollywoodiens actuels, même si bien sûr les personnages et les situations ont connu certaines mises à jour en rapport avec les évolutions des moeurs.

Corneille aurait écrit cette pièce sous l'inspiration de l'amour qu'il éprouvait pour une jeune femme. Mais cette histoire ne connaîtra pas l'issue heureuse d'une pièce de théâtre. La famille de la jeune personne ne trouva pas Corneille assez bon parti, et elle épousera un autre homme, plus fortuné. Il va effectuer pas mal de corrections sur cette pièce, en particulier en 1660, où il gommera beaucoup de détails jugés trop triviaux avec le développement de la bienséance, mais il ne semble jamais l'avoir reniée.

Mélite, le personnage qui donne son nom à la pièce est une séduisante jeune femme, aimée depuis deux ans par Eraste, un riche jeune homme qu'elle dédaigne. Eraste veut persuader son ami Tircis, qui professe un grand dédain de l'amour, du charme incomparable de Mélite. Et bien entendu, Tircis et Mélite tombent amoureux. Ce qui rend Eraste fou de jalousie. Il envoie donc de fausses lettres, prétendument écrites par Mélite et contenant des déclarations d'amour, à Philandre, le fiancé de Cloris, la soeur de Tircis, ce qui lui permet une double vengeance. Mais comme dans toute comédie qui se respecte, tout finira par s'expliquer et un double mariage terminera heureusement la pièce.

L'oeuvre est surtout une curiosité, une première tentative d'un futur grand auteur. Néanmoins elle montre une vraie intuition de la part de Corneille, qui fait preuve d'originalité, qui surprend le public, et montre le potentiel d'innovation et aussi de la réflexion sur les formes théâtrales qu'il va développer par la suite.

La pièce n'est pas si rose que cela, les questions d'argent, des mariages arrangés, sont bien présentes, et même si les conventions de la comédie font que cela ne se passe pas comme dans la vie, la menace d'une autre fin est bien présente, une certaine âpreté des personnages se devine sous les propos amoureux. Il y a aussi une scène de folie qui annonce le potentiel de Corneille qui pourra s'exprimer plus tard mieux dans les tragédies.
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