On ne peut pas ressusciter le bonheur ! Ça ne sert à rien d'essayer de reproduire un passé disparu. Il y a d'autres choses à créer, d'autres amours à découvrir.
Nous voilà de nouveau piégés par notre rôle de pionniers. C'est à nous de théoriser sur les maux qui nous travaillent car personne n'était là avant nous pour les étudier. Nos naufrages et nos erreurs serviront sûrement aux prochaines générations d'assermentés, si on parvient à sauvegarder assez de santé mentale pour leur laisser un témoignage.
On n'accepte pas la mort de sa mère, de son frère ou de sa propre enfance. On la subit, tandis qu'elle arrache à pleine gueule des lambeaux de bonheur. On survit malgré elle, parce qu'on n'a pas d'autre choix.
Pour lui, ma rencontre avec madame Navarro n'était qu'un rêve. Pour moi, c'était bien plus que ça. J'aimerais expliquer tout ce que sont ces petits vieux que l'on console à l'orée de leur fin. Mais personne ne comprendrait, bien sûr. Ce qu'on vit dans la tête de nos rêveurs n'a cette intensité que pour nous.
C'est fréquent, de s'oublier soi-même à force d'aider les autres.
On est maudits, Eole ! Notre métier nous abîme et nous transforme. Mais on continue, parce qu'on est accros, tout simplement. Accros à ces mondes dans lesquels on peut tout faire.
Pour me consoler, ma mère m’expliquait que le deuil, c’était de l’amour qui ne savait plus où aller.
Ce rêve ne veut pas de moi. Il me repousse de toutes ses forces, de toute sa boue. Il me crache au visage des trombes glacées pour me signifier que je ne suis pas la bienvenue.
Ses yeux crient la reconnaissance que des lèvres ne formulent pas.
Ta chimère murmure t'il d'une voix brisée, elle est belle je trouve. Elle a des cris pour bouffer l'injustice du monde. Des écailles et des plumes pour te protéger en douceur. Plein d'yeux pour entrevoir les avenirs. Elle reflète tes blessures, mais surtout ta férocité et ta puissance. La mienne n'est qu'une abomination.