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Critique de Fandol


Passionnante saga féminine signée Delphine Coulin, Loin, à l'ouest m'a fait traverser plus d'un siècle de luttes, de combats pour la dignité et le respect des femmes.
J'avais déjà bien apprécié Samba pour la France et Une fille dans la jungle et j'ai eu beaucoup de plaisir à retrouver Delphine Coulin que j'ai pu écouter aux récentes Correspondances de Manosque.
Avec Loin, à l'ouest, elle s'est lancée dans une écriture ambitieuse qu'elle maîtrise parfaitement en contant la vie de Georgette, morte à 106 ans, qui fut mariée trois fois, porta quatre noms de famille différents, passa de l'est de la France à la Bretagne après une halte à Paris. Elle qui vendait de la lingerie sur les marchés avec Mathurin, son père, épousa Vincent Serrer à 15 ans et fut veuve à 19 ans.
Deux guerres mondiales, beaucoup d'espoirs déçus mais surtout beaucoup de souffrances jalonnent cette vie où la nécessité de mentir, d'imaginer, de s'arranger avec la vérité, se révèlent indispensables pour briser l'hégémonie masculine.
Calamity Jane et Jean McCormick qui prétendait être sa fille, sont les invitées prestigieuses de cette histoire qui débute vraiment avec l'accouchement de Palmyre. Elle met au monde une fille en présence d'Herzélie, la Grande Zélie, sa mère. Celle-ci a déjà enfanté onze fois et elle est elle-même enceinte…
Ce bébé qui voit le jour en faisant beaucoup souffrir sa mère, s'appellera Georges comme le mari de Palmyre. Georges avec un s deviendra Georgette avec le temps et les mariages. Ces femmes sont couturières. Zélie a connu la Commune de Paris et en parle souvent, d'autant plus que Louise Michel, revenue de sa déportation en Nouvelle-Calédonie, anime des réunions politiques et que Georges s'y rend avec Marguerite, son amie de toujours.
Apparaît aussi une certaine Octavie, bien de notre époque, qui débarque chez Lucie, une femme très âgée, à Port-Loin, en Bretagne, près de Lorient. Étudiante aux Beaux-Arts, elle répond à une annonce pour être logée gratuitement. En compensation, elle aidera Lucie dont la vie fait l'objet de la seconde partie de Loin, à l'ouest, et fera les recherches sur internet que sa logeuse lui demandera.
Ainsi, entre le passé qui remonte doucement, le présent avec Octavie et Lucie, me voilà emporté, captivé par quantité d'événements souvent malheureux. Delphine Coulin fait de temps à autre une pause pour consacrer un chapitre à la vie d'Herzélie, à celle de Calamity Jane, puis à celle de Jean McCormick et enfin de Rosa qui quittera la France avec ses trois enfants afin de rejoindre un cousin en Amérique du Sud.
Si je ne peux pas trop en dire, il faut que j'indique que Georges-Georgette deviendra Madame Mankiewicz après avoir épousé Abraham, un juif polonais réfugié en France. Hélas, après l'embellie du Front populaire, la frénésie antisémite, la collaboration, le régime de Vichy et la Shoah vont causer tant de malheurs.
Enfin, une troisième grande partie est consacrée à Solange, petite-fille de Georgette. La Seconde guerre mondiale est passée avec son cortège d'incompréhensions, de traumatismes irrécupérables pour celles et ceux qui ont pu en sortir vivants.
Delphine Coulin, au travers de plusieurs destinées, à des époques différentes, montre bien cela. En tant que lecteur, je souffre en constatant les non-dits, les silences qui ferment définitivement toute issue permettant enfin de pardonner, de comprendre afin de franchir l'obstacle et de rétablir un minimum de communication et de compréhension. Hélas, nous autres, humains, campons trop souvent sur nos certitudes et refusons de faire un pas vers l'autre, ce qui serait décisif.

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