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Critique de Bookycooky


Franck Courtés photographe, je ne l'ai pas connu, par contre l'écrivain, je l'ai beaucoup apprécié dans le fond et la forme, à travers ses six livres publiés , tous lus. Donc ce dernier , le sixième, qui fait le bilan d'un choix malgré lui de quitter la photographie pour devenir à plein temps écrivain, dès les premières pages me fend le coeur, de par sa vérité et sa sincérité. Oui, le métier d'écrivain est dur , même très dur, vu qu'on entre dans la fosse aux loups et le succès par conséquent y gagner sa vie dépend d'autres critères que le talent,
«  Achever un texte ne veut pas dire être publié, être publié ne veut pas dire être lu, être lu ne veut pas dire être aimé, être aimé ne veut pas dire avoir du succès, avoir du succès n'augure aucune fortune.
Le succès d'estime, le plus fréquent de tous, ne suffit pas à faire vivre un auteur. Nos bas de laine ne s'emplissent que d'espoir. Sauf exception et comme dans toutes les industries artistiques, les ventes tiennent moins au talent des auteurs qu'à celui de leurs attachés de presse, moins à la qualité de l'oeuvre qu'à l'ambition commerciale des éditeurs.»
Il raconte avec pudeur sa descente douloureuse dans l'arène de la pauvreté, où à part sa mère il n'a aucun soutien moral et matériel , ce dernier étant aussi minime de sa part. Pourtant il a une femme et deux enfants, éclipsés en Amérique. Il va finir par devenir prolo volontaire pour assurer sa survie avec des petits boulots au noir qui nécessitent aucune compétence, « devenir manoeuvre est une véritable aventure…c'est-à-dire une incompétence totale dans le projet qu'on s'apprête à embrasser » en dit-il. Dans ce nouveau monde c'est surtout le déclassement social qui le gêne. S'aventurer dans un recoin invisible au regard de la société , une cache oubliée du monde du travail, amenuise passablement sa honte, cette honte qu'il appelle « un reste d'orgueil » .
Le tout est disserté avec une sincérité bouleversante et d'un humour désarmant qui amortie partiellement l'humiliation subie ,« À la lecture de mon premier livre, un journaliste littéraire m'a dit : Vous irez loin. Je suis allé jusqu'à la rue Pigalle, au sixième étage d'un immeuble en travaux. Évacuation de gravats. » Il précise ultérieurement que ce choix de vivre de son écriture n'est pas un luxe qu'il s'est octroyé. Il a bel et bien dû quitter le métier de photographe dû à l'arrivé du numérique. Sa mise à l'écart du monde traditionnel du travail n'a rien d'une retraite romantique du monde, ne plus pouvoir jouir des plaisirs matériels de la vie en vrai, ne lui apporte aucune richesse spirituelle comme l'assènent certains esprits dit « libres ». Il a le mérite d'être à cent pour cent honnête dans ses propos. de plus ces boulots au noir payés une misère qu'il récupère aux enchères sur La Platforme , société virtuel genre Pôle Emploie, est un monde où la prestation est valorisé au moyen d'algorithmes , où il n'y a aucune sécurité de travail et l'emploie va à celui qui offre ses services le moins cher. Un Grand bonjour au nouveau marché numérique d'esclaves 😒 !

Un livre courageux et émouvant où Courtés raconte avec brio sans jamais se poser en victime, la triste réalité de son quotidien misérable dans le monde du travail manuel et dans le monde tout court qu'il affronte malgré lui afin de pouvoir écrire. Ça dérange, révolte, irrite, bravo Franck et surtout continue d'écrire !

« Courageux c'est bien, ça ne veut pas dire intelligent. »
« Entre mon métier d'écrivain et celui de manoeuvre, je ne suis socialement plus rien de précis. On méconnaît ma situation exacte, on s'y perd un peu. Je suis à la misère ce que cinq heures du soir en hiver sont à l'obscurité : il fait noir mais ce n'est pas encore la nuit. »
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