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Citations sur Histoire du corps, tome 3 : Les mutations du regard -.. (9)

Les images nous mettent en face, brutalement, d'une réalité nue, que nous ne parvenons plus à nous approprier, car la dimension symbolique et métaphorique qui permettait la représentation s'est volatilisée. Le corps, en quelque sorte, coïncide avec lui-même sans qu'il soit encore possible de le subjectiviser ni de l'objectiver. Il est là comme un bout de viande, un visage grimaçant, une silhouette plantée sans raison à l'endroit où elle est. D'où aussi la bizarre omniprésence du sexe, mais sans désir ni fantasme ni passion.
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L'intuition de (Diane ) Arbus était juste : dans l'espace politique et culturel occidental, le corps anormal est cerné de contraintes paradoxales. On réclame tolérance et compassion à son égard, on proclame son égalité parmi les corps, en même temps qu'un flux continu de représentations célèbre une hiérarchie des perfections corporelles et soumet des difformités réelles ou imaginaires à une stigmatisation par défaut. (...)le XXe siècle a été un moment d'extension sans pareille du pouvoir de normalisation, de renforcement sans précédent des normes bureaucratiques, médicales et publicitaires d'encadrement du corps individuel. Le corps anormal y a été l'objet d'un immense effort correctif que les développements de la médecine ont porté à son stade terminal (...).
la chirurgie esthétique et sa clientèle inventent une multiplicité d'imperfections en attente de scalpel, elles réécrivent la norme corporelle en y injectant sans cesse de nouvelles "difformités".
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Les images nous mettent en face, brutalement, d'une réalité nue, que nous ne parvenons plus à nous approprier, car la dimension symbolique et métaphorique qui permettait la représentation s'est volatilisée. Le corps, en quelque sorte, coïncide avec lui-même sans qu'il soit encore possible de le subjectiviser ni de l'objectiver. Il est là comme un bout de viande, un visage grimaçant, une silhouette plantée sans raison à l'endroit où elle est. D'où aussi la bizarre omniprésence du sexe, mais sans désir ni fantasme ni passion.
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Nous sommes désormais directement en face du corps et du sexe, avec leur apparence énigmatique, à la fois obsessionnelle et frigide, brutale et familière, nue et indifférente. Prévaut un matérialisme glacé : là où il y avait des consciences, des âmes, du fantasme et du désir, il n'y a plus qu'un corps et ses marques.
Le face-à-face avec soi est devenu un face-à-face avec un corps par rapport auquel nous ne pouvons prendre nulle distance.
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Si les monstres ont disparu, le monstrueux prolifère (...). Condamnés à un éternel retour, les monstruosités virtuelles de l'écran n'inquiètent que pour mieux rassurer, sans jamais parvenir à dissiper une impression persistante de déjà vu.
Ce n'est pas le dernier de leurs paradoxes. Délivrées de leur encombrement charnel, disposées à une distance optimale, les mutations tératologiques des salles obscures offrent une surface de projection d'une plasticité inédite : les simulacres monstrueux rassurent, mais aussi émeuvent. (...) L'identification du spectateur est devenue plus aisée, l 'empathie plus grande avec la représentation de la souffrance exprimée par un automate simiesque qu'à celle confinée dans la monstruosité d'un corps humain. (...) L'illusion cinématographique vint à point nommé soulager les regards du poids devenu indésirable de la difformité humaine, en instaurant le principe de l'arbitraire du signe dans l'univers de la compassion.
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si le corps du monstre vivant provoque ce battement de regard, s'il occasionne un tel choc perceptif, c'est par la violence qu'il fait au corps propre de celui qui porte les yeux sur lui. L'incorporation fantasmée de la difformité trouble l'image de l'intégrité corporelle du spectateur, elle en menace l'unité vitale. Celui qui assiste à l'exhibition de "l'artiste-tronc" du boulevard Saint-Martin est ainsi amené, face au corps sans jambes ni bras de Kobelkoff, à faire, dans l'intimité de sa chair, quelque chose comme l'expérience d'un membre fantôme inversé : ressentir au sein de l'image du corps propre non pas la présence d'un membre absent, mais l'absence d'un membre présent. Les exercices de scène de "l'homme-tronc" "dissimulent" alors la monstruosité du corps sous des simulacres compensatoires et s'attachent à dissiper l'angoisse dans une restauration imaginaire de la totalité corporelle. Le spectateur de l'entre-sort vient, face au monstre, perdre une part de son corps, puis la retrouver. On conçoit que cette représentation burlesque de la castration ne puisse s'achever que dans le soulagement de l'hilarité. Lorsque retentissent les éclats de rire du comique grotesque, l'inquiétante étrangeté n'est jamais bien loin.
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La Renaissance avait fait émerger l'individu, brisant les solidarités communautaires et corporatives, usant de sa raison critique face aux traditions. Les Lumières ont assorti cette émergence de revendications égalitaires. Le XXe siècle a lesté l'individu autonome d'un corps singulier. La rançon de cette évolution a été l'accroissement de la solitude. La solitude est le mal du siècle, solitude des malades, des opérés, des mourants, de ceux à qui il incombe désormais de décider du sort d'un corps qui ne ressemble à aucun autre.
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Chaque homme connaît un destin singulier et ne ressemble à aucun autre. Le corps participe à cette aventure. Il n'est pas seulement "principe d'individuation" comme l'écrivait le sociologue Emile Durkheim, paraphrasant Aristote. Il est moyen unique d'expression, d'action et de pathos, de séduction et de rejet, vecteur fondamental de notre être-au-monde. Notre âme n'est pas logée dans le corps comme un capitaine en son navire, comme l'avait bien vu Descartes, mais entre avec lui dans un rapport d'intimité, différenciant à jamais "mon corps" et celui de l'Autre.
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(...) la mise en scène de la différence raciale, cette discrimination fondamentale dans la perception des corps (...) il ne fait guère de doute que c'est sur la scène des entre-sorts, côte à côte avec les monstres humains, que les différences raciales furent tout d'abord objet de spectacle, face à des regards prompts à deviner l'anomalie monstrueuse sous l'étrangeté exotique. Il faut y voir la subsistance d'un fond anthropologique extrêmement tenace, une confusion ancienne entre le difforme et le lointain, qui fait de la monstruosité corporelle la mesure de l'éloignement spatiale et le signe de l'altérité raciale.
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