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Critique de aa67


aa67
31 décembre 2023
Vibrant hommage à un homme des Arts et des Lettres que fût René Blum, frère de Léon Blum.

Encore un très beau premier roman de cette rentrée littéraire de l'automne 2023.
Aurélien Cressely fait un splendide portrait de René Blum. Ce dernier ne nous est pas familier puisque sa vie n'a pas eu la même aura que celle de son frère. Mais la vie de cet homme n'en aura pas été moins méritante pour autant.
Pendant que Léon Blum est, de par le Front Populaire, sur le devant de la scène, René sera d'abord critique, puis journaliste, puis directeur du théâtre de Monte-Carlo pour enfin devenir diriger la compagnie de Ballets russes qui, au passage, fera le dit du grand danseur Nijinski. Il s'occupera de la troupe jusqu'à la toute fin de sa vie : il a alors 63 ans.
Aurélien Cressely nous fait voyager aux côtés de René Blum tantôt dans le monde des Arts aux cotés de grands peintres tels que Matisse, tantôt dans celui des Lettres aux côtés de Proust ou Pagnol. Il jouera par exemple les intermédiaires entre Marcel Proust et les éditions Grasset, puis auprès de Gallimard pour La Recherche.
Le cinéma l'attirera en toute fin de vie active.

On navigue judicieusement dans le temps. Au fil des chapitres, on se trouvera tantôt durant les périodes fastes et tantôt durant celle de sa fin tragique dans les camps de la mort.
En 1941 il décide, par dignité pour son nom, de rentrer en France. le 12 décembre 1941, sonnera sa fin tragique lorsqu'aura lui la rafle des notables de confession juive. Anne Sinclair a réalisé un documentaire concernant une partie de sa famille pareillement arrêtée et dans lequel elle nous parlait des mêmes scènes du quotidien de ces hommes enfermés. Documentaire aussi poignant que ce livre.
Cet humaniste a donc été arrêté, interné. On le suivra dans les camps français avec tout ce que cela sous-entend d'inhumanité. Il mourra comme tant d'autres sous les coups d'une barbarie sans nom.

La plume de l'auteur a cette sobriété qui sied à ce type de témoignage. Elle a cette finesse qui annonce la naissance d'un auteur français qui pourra se frayer un chemin parmi les grands.

Citations :
« Pourtant en ce jour si gris, elle n'avait pas su protéger ‘'son M. Blum'' lorsqu'ils pénétrèrent Elle le regarda s'éloigner, gravant dans sa mémoire chacun de ses mouvements, de ses gestes, passer la lourde porte en fonte, traverser la rue silencieuse, rentrer dans ‘'cette foutue voiture, avec ces foutus soldats, dans cette foutue guerre » s'écria-t-elle dans une colère froide et humide de larmes. »
« Il savait que les livres renfermaient l'âme du monde et, pour cela, il en cherchait le meilleur écrin. le livre est une porte vers l'ailleurs, vers tous les possibles qu'il faut chérir, qu'il faut protéger. Et restaient gravées en lui les images de ces livres brûlés, empilés, jetés, les flammes emportant toutes ces pages, tous ces mots. »
« René observait les autres hommes autour de lui. L'un d'eux, à quelques mètres, attira particulièrement son attention. Son regard était vide, ses yeux ailleurs. Où ? Nul ne le savait et ne pouvait le savoir, ses pensées étaient encore l'une des rares choses qu'il avait pu prendre avec lui. »

Et une phrase choisie par l'auteur et qui est de Chris Marker :
« Rien ne distingue les souvenirs des autres moments : ce n'est que plus tard qu'ils se font reconnaître, à leurs cicatrices. »
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