Elle n’avait pas besoin que ce vieux fou l’apprécie. Bon sang ! Elle avait passé une vie entière sans sa faveur. Pourquoi se préoccuperait-elle de ce qu’un vieux ronchon qu’elle venait à peine de rencontrer et qu’elle quitterait aussitôt – et un ennemi, qui plus est – ne la porte pas dans son cœur ? Non, certainement pas !
Elle frissonna, se rappelant la façon dont il l’avait dévisagée, avec un regard qui en disait long.
Contre toute raison, elle se prit à se demander de quelle couleur étaient ses yeux. Bleus ? Verts ? Elle n’avait pas été capable de les discerner dans l’obscurité, mais elle était certaine qu’ils n’étaient pas aussi communs que les siens. Hélas, cet homme horripilant n’avait rien d’ordinaire.
Avec une douceur que démentaient sa force et sa taille, il passa son pouce sur le creux au-dessus de sa joue et Page ferma les yeux, sentant ses larmes pointer à nouveau.
C’était tellement incroyable que cet homme, cet étranger, son ravisseur, soit le tout premier à poser la main sur elle avec tant de douceur.
Il était beau, il fallait bien l’avouer. C’était un homme auquel elle n’aurait pu que rêver, car un être aussi superbe n’aurait certainement jamais voulu d’elle en retour.
C’était une bonne chose qu’elle le haïsse tant… Elle ne courait que peu de danger de perdre son cœur auprès de cette brute ténébreuse.
Elle éveillait en lui de telles émotions inexplicables, de tels désirs irrationnels. Comme celui qu’il ressentait à cet instant de défaire sa natte et de passer les mains dans ses cheveux, comme de la soie filant entre ses doigts endurcis par la corne.