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Critique de Garoupe


Vesper que tout va pour le mieux

Il y a un peu plus de 2 ans, je découvrais « Retex » de Vincent Crouzet. Pure fiction, pur roman d'espionnage, Vincent Crouzet y puisait toutefois dans son expérience personnelle en tant qu'ancien de la maison DGSE de quoi faire vivre ses personnages et dynamiser son histoire.

« Vesper » reprend les mêmes ingrédients mais en fait une recette bien différente. Tout d'abord, et ce n'est pas moi qui le dit, ce récit est plus personnel et plus intime que le précédent. Cela reste toutefois une fiction mais avec un rapport beaucoup plus émotionnel aux personnages et aux événements. C'est d'ailleurs avant tout un roman d'amour d'un agent avec son contact de la « maison mère », contact qui gravit les échelons hiérarchiques et est à l'aube de prendre les rênes de la DGSE.

« Vesper » est le récit de leur dernière rencontre, de leur dernière danse de dupes, de leur dernier baroud d'honneur ou de déshonneur. Vesper, le nom de code du contact de Victor, nom de code de l'espion qui l'aimait, accuse son agent d'avoir fournit des rapports vides de tout sens, voir, crime de lèse-majesté et de haute trahison contre son propre pays, d'avoir fournit des rapports faux et mensongers.

Le livre se construit, assez classiquement, à partir de chapitres qui se répondent, alternativement basés dans le présent de la rencontre nocturne entre Vesper et Victor dans un café parisien, sorte de crépuscule à la fois de chacun des personnages et de leurs histoires personnelles, et basés dans le passé de Victor et de ses missions, essentiellement situées en Afrique.

Victor a sillonné le continent africain (principalement l'Afrique noire) et a croisé la route de tout ce que cette région (Angola, Mozambique, Congo, Zaïre, Afrique du Sud…) a compté de guérillas, de héros, de tortionnaires, de bouchers, de guerres, de trafics… Victor se retrouve plongé dans la realpolitik africaine à la française pendant plus de 30 ans. le livre relate ainsi une forme de crépuscule pour Victor et Vesper dans la mesure où leur terrain d'action a fait son temps : leur perte de vitesse est accélérée par le transfert des zones de crises et de tensions vers la sphère islamiste et d'autres terres à enjeu.

Victor va être dépassé, fini, mis au rebut. Vesper va accéder à la direction de la DGSE et quitter tout fonction opérationnelle. Un monde s'achève, un nouvel ordre mondial va émerger avec des équilibres différents. Victor sera oublié comme l'Afrique, aujourd'hui, n'est plus considérée par la France comme centrale à ses intérêts politico-économiques.

Victor retrace pour nous sa carrière mouvementée, nous dévoile sa relation d'amour et de haine avec Vesper, et jette dans cette dernière rencontre ses dernières forces pour tenter d'exister encore, malgré ses errements, malgré le poids de ses actes passés, malgré les agissements de sa cheffe.

Vincent Crouzet rend compte dans son récit de toute l'ambiguïté qu'il pouvait y avoir dans son travail et dans les amitiés qu'il a liées avec ses contacts peu recommandables mais dont il voyait aussi un aspect de leur part d'humain (et non pas d'humanité). Il y a dans le récit de Vincent Crouzet toute l'empathie qu'il pouvait avoir pour des lieux, pour des personnes, pour des rencontres… il y a une forme de poésie dans le rapport qu'il avait avec les esprits africains qu'il a côtoyés tout au long de sa carrière mouvementée.

Vincent Crouzet, à travers Victor, ne s'est pas contenté d'agir, il a aussi ressenti de l'amour, de l'amitié, de la compassion, de la passion, bref, il a mis dans son métier une part personnelle qui le rend humain malgré tout. Il assume ses actes et ses amitiés mais ne cherche pas à nous attendrir ou à toucher notre corde sensible si ce n'est dans l'amour d'une terre à la fois noble et brutale qu'il a pu ressentir.

Je ne sais pas si Vincent Crouzet a choisi à dessein le vrai prénom de Vesper, Lorraine, mais j'ai envie d'y voir une référence à Marie-Henriette de Habsbourg-Lorraine qui, hasard des lectures, apparaît dans « Ténèbre » de Paul Kawczak que j'ai lu juste après et qui se situe au Congo. Marie-Henriette de Habsbourg-Lorraine a « participé » au découpage du Congo. Si c'est une pure coïncidence, elle est assez exceptionnelle…

« Vesper » est un roman d'espionnage, un roman d'amour, un roman de haine. « Vesper » est un vrai beau moment de lecture à ne pas rater.


Lien : https://garoupe.wordpress.co..
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