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EAN : 9782924898499
304 pages
La Peuplade (23/01/2020)
3.51/5   340 notes
Résumé :
Ténebre

Un matin de septembre 1890, un géomètre belge, mandaté par son Roi pour démanteler l’Afrique, quitte Léopoldville vers le Nord. Avec l’autorité des étoiles et quelques instruments savants, Pierre Claes a pour mission de matérialiser, à même les terres sauvages, le tracé exact de ce que l’Europe nomme alors le « progrès ».

À bord du Fleur de Bruges, glissant sur le fleuve Congo, l’accompagnent des travailleurs bantous et Xi Xiao... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (73) Voir plus Ajouter une critique
3,51

sur 340 notes
La découpe des frontières et des corps.
En 1890, lors de la grande partie de Monopoly des grands pays colonisateurs, le roi des Belges confie à un jeune géomètre, Pierre Claes, la mission de délimiter la frontière Nord du Congo. Entre la malaria, l'hostilité de la nature et la barbarie humaine, l'aventure est plus dangereuse que le tracé d'un sentier d'Emilie pour randonneurs en espadrilles.
Remontant le fleuve Congo, l'expédition associe des baroudeurs avec des profils de portrait-robot. Il y a le chinois Xi Xiao, bourreau et tatoueur à vif, Mpanzu le Bantou, Vanderdorpe, un amoureux qui a oublié son coeur en Europe, Leopold, chimpanzé apprivoisé et homonyme du roi belge et Mads Madsen, un capitaine danois qui embarque tout ce petit monde sur son rafiot.
N'ayant pas peur des mots, ni des moustiques, ce roman est une merveille d'écriture et de poésie qui éclaire les ténèbres à la belle étoile. Attention, nous ne suivons pas un documentaire animalier dans la jungle pour de prudes insomniaques. La jungle est carnivore.
Le jeune géomètre blanc, au fil de l'aventure mue comme un serpent, l'âme scarifiée par les horreurs coloniales et le corps dépecé par la lame experte et charnelle de son compagnon chinois, façon Pata Negra. La malaria n'est pas la seule à faire monter la température quand la folie et les hallucinations s'emparent des corps.
Les scènes de transe et de rêveries diffusent le parfum charnel du roman sans qu'il soit vraiment question de sexe mais plutôt d'une quête éperdue d'absolu.
La plume de Paul Kawczak possède le don de réincarner la prose de Poe et de flairer la piste de Conrad au coeur des ténèbres et de l'Afrique noire sans les falsifier. Ce n'est pas le fruit gâté du hasard non plus si Baudelaire et Verlaine apparaissent en « guest star » au cours du roman.
Cette lecture m'a aussi remis en mémoire l'excellent « Congo, une histoire » de David van Reybrouck, un livre d'histoire passionné et passionnant sur cet immense territoire, lu il y a quelques années.
Un roman qui rend la géographie organique.
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En 1890, le jeune géomètre Pierre Claes, originaire de Bruges, est envoyé par son pays aux confins du Congo belge, afin d'y matérialiser la frontière négociée entre états colonialistes lors de la Conférence de Berlin cinq ans plus tôt. Sa périlleuse expédition va lui faire croiser la route de son propre père, disparu il y a bien longtemps en abandonnant femme et enfant, et aussi d'un étrange petit Chinois, Xi Xiao, tatoueur-découpeur de son métier.


La première partie du roman, bien que parfois bizarre, s'avère très accessible et plutôt prometteuse, alors que le lecteur pense se retrouver plongé dans un récit d'aventure historique pointant le racisme colonialiste en Afrique. L'histoire du très éprouvant voyage de Claes, où les Blancs tombent comme des mouches sous les assauts des fièvres et de la malaria, côtoie celle des pérégrinations de son père, nous faisant croiser aussi bien les explorateurs Stanley et Pierre Savorgnan de Brazza, qu'un Baudelaire mourant et un Verlaine aux prises avec l'alcool.


Mais voilà que tout se met à dérailler au mitan du livre, dans ce qui devient un délire onirique et surréaliste où se mêlent jusqu'à l'obsession plaisir, sexe, torture et folie, en un cocktail sauvage et morbide à vous flanquer la nausée. Au fur et à mesure qu'ils s'enfoncent en Afrique Noire, les colons européens sombrent au plus profond de leurs propres ténèbres intérieures. L'écoeurement et l'ennui ne m'ont alors plus quittée, dans une lecture que j'ai eu grand peine à mener à son terme.


Je n'ai pas du tout été réceptive à cette histoire, certes indéniablement maîtrisée quant à sa construction et à son écriture, mais si absurde et cauchemardesque qu'il m'a semblé y étouffer jusqu'au malaise, dans une pénible et immonde descente aux enfers aussi terrifiante que la peinture de Jérôme Bosch.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Un serpent aux taches fluos, le corps vert et bleu cæruleum, tête allongée vers le haut sur fonds vert de pérylène…….la couverture de Ténèbre, au singulier, comme ce livre, singulier, étrange et presque malfaisant, sauf si on le considère comme la suite du « Coeur des ténèbres » de Conrad.
Qui d'ailleurs apparait ironiquement dans le roman, remontant le fleuve pour apporter des rivets ( au lieu de les attendre comme dans le roman de Conrad) au steamer de Pierre Claes, le géomètre belge qui vient tracer les frontières du Congo, sous l'ordre de Léopold II , roi des belges.

Le serpent de la couverture apparaît plusieurs fois dans le roman, tentation et maléfice, sous la forme d'une couleuvre entrée dans le pantalon d'un européen( eh oui, ce sont des choses qui arrivent en Afrique), la constellation du Serpent sur laquelle se base le géomètre, les serpents qui se pressent autour de lui moribond, alors que les oiseaux chantent, la vipère du Gabon qui pose ses lèvres sur lui tendrement puis repart vers les roses de porcelaine, le python avaleur d'hommes surtout si ils sont petits, chassé par les pygmées du Nord du Congo, les serpents s'enroulant autour du corps de Xi Xiao.
Ils muent, ces serpents, symbole de la mue de Claes, après sa presque agonie et l'abandon de ses bandages. Il perd son innocence première, est ravagé par le paludisme, or, à mesure qu'il pénètre les zones équatoriales, rien plus n'importe que cette beauté de la nature, pas même sa vie.

Contrairement au livre de Conrad, les animaux, perroquets, chimpanzés, léopards non seulement ont une grande place dans Ténèbre, mais aussi, ils sont presque humains, ils pleurent, ils parlent, et ils assistent impuissants au carnage effectué au nom de la civilisation… euh, non, par la colonisation.

Parlons en, comme le fait si bien Paul Kawczak, de la colonisation.

La conférence de Berlin en 1884 et 85 avait, dans son ignorance des rivières, des forêts et des montagnes, et encore plus des groupes humains différents,( dont ils se foutaient, soyons juste) partagé le continent en ligne droite, en carrés : ce qui persiste encore dans certains pays d'Afrique, tranchée à vif dans sa chair dit Paul Kawczak. Il s'agit, dans un deuxième temps, de définir les frontières réelles, et donc de remonter les fleuves, dont le Congo.

La Belgique voit ses frontières menacées par l'Allemagne et l'Angleterre, alors, Leopold II se nomme lui même roi de « l'Etat indépendant du Congo », l'EIC, qui n'est en réalité ni un Etat ni indépendant, puisque propriété privée et absolue de ce roi barbare. Savorgnan de Brazza explore pour le compte de la France, alors Léopold II contacte Stanley, fameux journaliste qui a retrouvé Livingstone( I presume) et aussi connu pour sa cruauté gratuite, ainsi que Hermann von Wissmann, détraqué sexuel. Il tuent et coupent les mains, pas en représailles, mais pour se faire craindre.

Vrais assassins qui n'ont pas la conscience de l'être, réconfortés à l'idée que personne ne mettra en cause leur inutile carnage.

Ainsi que le note Conrad, le continent noir étaient une page blanche, une étendue si immaculée que cela permet de dévoyer le rêve des enfants, en révélant l'obscurité de certains humains, la cruauté de leur coeur :« ce point aveugle des cartes était le point aveugle de l'âme »

Voyage le long du fleuve Congo, voyage dans la sauvagerie coloniale, voyage dans la ténèbre de certaines vies, voyage autour d'une histoire vraie, voyage aussi à l'intérieur de la férocité humaine plus animale que celle des animaux, voyage dans les fièvres comateuses du paludisme et voyage autour d'une pratique chinoise , le lingchi, dont nous avons une image dans un livre de Bataille. Image inoubliablement cruelle, où l'on voit un homme proche de l'orgasme, sous effet de l'opium, se faire découper.

Car, oui, il est question dans Tenèbre de toutes les barbaries, depuis « les Bantous arrachés à leur village et forcés à travailler à la ruine de leur pays et de leur culture », Tippo Tip, célèbre marchand d'esclaves, lui aussi mandaté par le roi des Belges et qui tient un registre des balles utilisées et des mains coupées, et Xi Xao, le chinois tatoueur et bourreau .

J'avais, je l'avoue, peur de lire ce livre, mais tout au long, l'écriture foisonnante, luxuriante, touffue comme cette Afrique Equatoriale qu'il décrit si bien, horrible comme ce qu'ont fait les colons furieusement crapuleux, chargée de symboles comme la découpure des chairs d'un continent, semblable à la pratique chinoise, porte le propos et nous incite à continuer, avec un art du « juste assez » pour nos nerfs, remarquable.

Une écriture étonnante qui situe le Paradis terrestre au coeur des jungles, expressément plurielles,( contrairement au singulier de Ténèbre, ) contrastant violemment avec les sévices subis par la population du pays, détrônés des entrailles de leurs terres ancestrales au nom du capitalisme naissant, avoir plus de terre, payer pour en connaître l'étendue, et puisque l'esclavage n'est plus au cours du jour, saigner à blanc en exportant de force les richesses : caoutchouc et ivoire, en attendant les minéraux (manganèse, lithium,) qui relanceront les errements de l'exploitation sordide.
(sévices, entrailles , errements et ténèbres ne se disent pas au singulier, sauf Huysmans, (qui utilise le mot Ténèbre) à qui je crois Paul Kawczak fait référence, (la déliquescence et l'appel divin) lui qui met en scène longuement Baudelaire et Verlaine dans leurs affres , leur alcoolisme et leurs fins.


Il y a sans doute un peu d'exagération dans le chiffre cité en exergue par Isidore Ndaywel E Nziem : 10 millions de Congolais morts entre 1880 et 1930. Pas besoin de chiffres pour un carnage évident. de plus, un anachronisme grave : Paul Kawczak parle de la construction d'un chemin de fer, et du fait que les asiatiques n'étaient pas assez forts pour ce travail, confié par la suite à des africains en travail forcé. Or celle ci a eu lieu en 1927, pas dans années 1890.

Reste que ce roman, à la fois historique, violemment historique, digne de Conrad, par cette pénétration à l'intérieur d'un pays vierge, la vision de moribonds au fond d'un trou alors que le colon fier de lui porte beau, l'exploitation par des imbéciles d'un pays sans défense, leurs victoires de pauvres types, leurs exactions que seul l'enrichissement peut justifier, et puis le même lyrisme sur la beauté des premiers jours du monde de l'Afrique Equatoriale, et malheureusement les mains coupées qui rappellent les têtes alignées devant la hutte de Kurtz, nous plonge .avec grand art dans l'exubérance des jungles et nous fait avaler la couleuvre de la sauvagerie, rappelle un passé dépassé, en le réinventant habilement avec ses propres personnages romanesques, et nous enchante par delà la plus extrême noirceur.

N'est pas noir qui l'on croit.
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Ténèbre s'emploie habituellement au pluriel. Paul Kawczak a choisi la forme du singulier pour intituler son ouvrage. Un singulier qui veut sans doute être annonciateur d'une singularité de l'ouvrage. La justifiant peut être par la transcription littérale des idéogrammes qui ornent la cassette de Xi Xiao. Cet étui en bois contient les ustensiles qui lui permettent de se livrer à son art : le tatouage et la découpe des corps humains.

Xi Xiao est un bourreau expatrié de sa lointaine patrie, la Chine. Son art est celui de la lecture des destinées dans les lambeaux de chair qu'il découpent sur les corps de ses suppliciés. L'excellence de son art consistant à retirer peau et organes en conservant le sujet en vie le plus longtemps possible. Je ne vais pas dire que cet ouvrage m'a comblé d'aise, loin s'en faut. Pas seulement à cause de ce qui précède mais aussi du fait de son style et de sa construction. Mais bien entendu, c'est l'effet recherché.

Ce maître du dépeçage à vif intervient dans des circonstances et vers un objectif qui ne m'ont pas permis de comprendre la relation de cause à effet. Pierre Claes, géomètre missionné par le roi Léopold II de Belgique pour déterminer les limites de ses possessions africaines, s'est attaché les services de Xi Xiao, personnage pour le moins singulier, en qualité de factotum pour gérer l'intendance de ses expéditions. Se tisse alors entre les deux hommes une curieuse relation, une forme d'attraction vers un avenir de perdition, laquelle attraction se qualifie d'amoureuse, et dont l'accomplissement ne serait ni plus ni moins qu'une mort programmée concomitante, par dépeçage. La conception est pour le moins déroutante. Mysticisme morbide dont on imagine attribuer l'origine au passé calamiteux des protagonistes lesquels pensaient gagner leur rédemption en se dévouant à leur pays dans son entreprise de colonisation. Ladite entreprise dévoilant ses aspects sordides - racisme, maltraitance des autochtones, appropriation des ressources naturelles - les enfoncerait dans la désespérance en l'espèce humaine. Les précipitant vers une fin convoitée, libératrice des affres de ce monde.

Le style est aussi obscur que l'intention. Elliptique, métaphorique, il fait usage de tous les artifices et tournures qui l'enlisent dans un suggestif labyrinthique. Pour verser dans une forme de mysticisme divinatoire et abandonner son lecteur dans les méandres d'une intrigue aussi inextricable que la forêt vierge qui lui sert de décor. Avec des allers et retours dans le désordre du passé des protagonistes, mettant à mal la compréhension, par moi, de la chronologie des faits.

Le contexte historique étant celui de la colonisation de l'Afrique au XIXème siècle, avec en particulier le traçage des limites des possessions que se disputent les voraces nations colonisatrices, sombre découpage qui n'est pas sans rappeler celui des corps auquel se livre le bourreau chinois, l'auteur n'a pas de mots assez durs pour condamner ce triste chapitre de l'histoire de la vieille Europe. Oubliant que le jugement d'une époque par une autre postérieure est forcément fallacieux. C'est faire fi des acquis sociologique, politique, ethnologique, voire tout simplement humain et sombrer dans un humanisme mercantile racoleur en vogue en nos temps modernes.

Je n'ai donc pas adhéré à la conception résolument moderne de cet ouvrage. Outre cet élan irrépressible du héros, Pierre Claes - c'est quand même lui le héros, on l'oublie parfois tant les digressions sont longues et dispersantes - vers son bourreau, sa quête d'une fin masochiste par dépeçage - merci de la perspective - son style et sa construction m'ont rendu sa lecture laborieuse. Au point d'en perdre la finalité et surtout le goût. Même si je me suis accroché pour terminer ce premier roman, j'avoue qu'il me rend méfiant à l'égard de cet auteur s'il devait récidiver. Ce qui me paraît probable vu l'accueil qui lui a été globalement réservé, et dont je me démarque. On ne peut pas plaire à tout le monde.
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Suite à la conférence de Berlin de 1895, les nations européennes décidèrent de se partager l'Afrique. le roi des belges léopold II, demanda son dû. C'est ainsi que le centre du continent, le Congo, encore largement inconnu, lui revint. A lui d'en tirer toutes les richesses possibles. La littérature et le cinéma ne manquent pas sur ce thème. Ce n'est, qu'après tout un épisode de plus sur l'abomination de la colonisation. Mais c'est justement là que le roman de Paul Kawczak diffère des autres oeuvres. Pierre Claes, géomètre, accepte une mission pour délimiter la partie nord du Congo des parties françaises et anglaises. Participera également à cette expédition hétéroclite Xi Xiao, un bourreau chinois, passé maître dans le découpage des corps vivants. On découvre peu à peu, par de savants flash-back, le parcours et les histoires intimes des personnages qui détermineront leurs motivations et les amèneront à tenter l'aventure en Afrique à la recherche d'un autre « eux-même ». La folie est déjà perceptible en Europe. C'est à Bruges que commencera cette boucherie puisque le père de Pierre Claes est boucher de son état mais surtout schizophrène. La mort de Baudelaire, la folie qui s'amorce déjà chez Verlaine, les débuts du mouvement symboliste, tout cela est à mettre en rapport avec cette Europe malade, recherchant un ailleurs où laisser éclater sa folie. Les nouvelles missions au Congo ne sont alors que des exutoires possibles. C'est la folie européenne qui va se transposer et se déchaîner en Afrique. L'Histoire, la grande, n'est que le fruit de motivations individuelles, et c'est à l'aune de ces motifs que va se réaliser la colonisation du Congo Belge. Avec son cortège d'atrocités, ce déchaînement de cruauté. Chacun assouvira son mal-être par des souffres-douleurs. D'où ses corps mutilés, ses mains tranchées à vif, ces villages incendiés, ces enfants violées…
Tout cela est expliqué. Et comme dans le roman de Konrad, plus nous remontons le fleuve, plus nous remontons dans les méandres de notre propre folie. Il est évident que le dépeçage des corps vivants est celui du continent. Nous sommes là dans une poésie de l'atroce, dont les toiles symbolistes en sont les témoins picturaux. Xi Xiao n'est que l'exécutant. La communion avec l'univers, les étoiles, l'authenticité de la jungle, souvent rappelée, n'est là à mon sens, que pour signifier que dans L Univers, tout se tient. Cette non-dualité qui fait que ce qui se passe à Bruxelles ou à Paris se retrouve sous les cieux africains. Nous sommes tous issus de la même matrice. C'est donc d'un suicide collectif qu'il s'agit. D'ailleurs, la fin du roman le confirme par cette formidable explosion qui clôt le roman. La matière vivante se fond avec le minéral, avec le cosmos.
Ce roman est un pur chef-d'oeuvre. Mais attention, il faut être prêt ! Peut-être lire Konrad avant ?
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critiques presse (5)
LaPresse
14 mai 2021
Le roman Ténèbre, de Paul Kawczak, poursuit sa lancée en remportant les grands honneurs dans la catégorie Roman-Nouvelles-Récit.
Lire la critique sur le site : LaPresse
LActualite
14 mai 2021
L'auteur, professeur et éditeur est le lauréat dans la catégorie Roman-nouvelles-récit (Québec) pour son premier roman, l'étonnant Ténèbre.
Lire la critique sur le site : LActualite
Actualitte
12 octobre 2020
Ténèbre est un livre total, parfaitement maîtrisé, et dont la plus belle réussite, peut-être, est de nous faire ressentir physiquement les fièvres qu’endurent les personnages. Un livre malade, en somme, et hautement contagieux.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Lexpress
16 avril 2020
L'épopée d'un géomètre belge dans le Congo du XIXe siècle que la rencontre avec un ancien bourreau chinois va bouleverser voire même ravager... En pointillé, c'est aussi la rencontre entre victimes et bourreaux de la colonisation qui classe ce livre parmi ceux que l'on n'oublie pas.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LeJournaldeQuebec
02 mars 2020
Paul Kawczak invite les lecteurs à suivre l’aventure d’un géomètre partant à la conquête des territoires inexplorés de l’Afrique dans son tout premier roman, Ténèbre. L’aventure, complètement imaginée, entraîne ses personnages colorés dans une expédition au Congo, où l’amour, le désir, la douleur et la mort ne sont jamais très loin.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
Citations et extraits (51) Voir plus Ajouter une citation
Il est possible, moyennant un patient apprentissage, de dépouiller un homme de la plupart de ses organes tout en conservant sa vie et sa conscience. Tel était l’art des bourreaux de Chine. Certains hommes puissants qui se savaient condamnés par la maladie choisissaient parfois de remettre leur corps entre les mains d’un maître bourreau pour une mort exquise. Le patient entièrement nu était d’abord rasé de la tête aux pieds, puis l’officiant, suivant les règles d’un procédé que l’Occident pratique grossièrement sur ses bœufs, moutons et chevaux, tatouait sur le corps glabre le tracé complexe d’un dessin selon lequel il inciserait la chair. Un tatouage de maître pouvait prendre jusqu’à une semaine pour être réalisé. Chaque jour, le corps sacrifié se couvrait des lignes qui régleraient son démantèlement. Selon ce dessin complexe, et à l’aide de l’acupuncture, il était alors possible de vider l’homme de son corps, en en altérant minimalement l’âme. Les bourreaux les plus adroits, dont Xi Xiao était, parvenaient à retirer la quasi-intégralité des organes d’un homme sans le tuer ni l’endormir ni même le faire particulièrement souffrir, ne laissant à l’air libre et intact, disait-on, que le cerveau, le lobe d’un poumon et le cœur.
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Pierre Claes avait été dévasté par la disparition de son père adoptif. […] L’épisode dépressif d’Equateurville, duquel il venait tout juste d’émerger, avait, pour des raisons qui lui échappaient, ravivé cette colère haineuse en lui. Il en était venu à haïr d’une ardeur renouvelée non seulement son père adoptif, mais toute forme d’autorité masculine. Il se haïssait lui-même de n’être qu’un pion minable à la solde du roi. Vingt années de rage refleurissaient en son cœur dans les jungles congolaises. Pierre Claes, agent colonial, agent du progrès, n’était qu’un petit jean-foutre, le rejeton d’un mort, gâché par la fuite d’un moins-que-père. Cette rage d’enfant, qu’il avait longtemps transmuée en soumission afin de survivre dans l’Europe d’alors, n’avait pu être occultée qu’au prix d’une mélancolie et d’une autodépréciation permanentes auxquelles il s’était habitué, conformé même, depuis son abandon. (p85)
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Pierre Claes ne savait ainsi pas qu’en 1890, le taux de mortalité des agents territoriaux était de un pour trois, sans compter les handicaps majeurs, et parfois définitifs, qu’entrainaient les maladies équatoriales. En bon agent de l’Etat, il s’était avant tout concentré sur la bonne réussite de sa mission, fier d’aller au-devant de l’Aventure, qu’il imaginait piquante et belle comme dans les livres anglais qu’il avait avidement lus de quinze à vingt ans. Il quittait son pays sans mélancolie, gonflé, même, d’un léger orgueil. Il croyait au projet de civilisation de son pays, il croyait en sa jeunesse, en son roi, et le temps, ce jour-là, était au beau fixe. (p21)
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De novembre 1890 à janvier 1891, le Fleur de Bruges remonta péniblement la rivière Ubangi. Mads Madsen, l’un des rares capitaines de la Société du Haut-Congo à pouvoir amener un vapeur aussi profondément dans les terres, cessa littéralement de dormir pour pouvoir diriger le bateau et l’équipage entre les rives luxuriantes et sombres de la rivière. La nuit, il insistait pour surveiller lui-même l’arrimage précaire de son navire aux berges sauvages. À peine s’accordait-il, parsemés ici et là, dans la veille qu’était devenue sa vie, des effondrements d’une vingtaine de minutes. Il déléguait alors le bateau à Mpanzu, dont il avait fait son second. En vérité, Mpanzu aurait pu naviguer bien plus longtemps et Mads Madsen dormir d’autant plus. mais Mads Madsen, en âme inquiète, avait insisté pour que Mpanzu le réveille à la moindre menace, qu’elle soit haut-fond de sable, hippopotame ou indigène curieux. Ainsi ne dormait-il plus que d’une ombre de sommeil, par échancrures de nuit dans la chair des jours. Il disait avoir souvent dormi ainsi durant la guerre. Nul ne savait précisément de quelle guerre il s’agissait. Chacun acquiesàait, admiratif devant tant de bonhomie dans l’effort.
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À coup de chicotte, Henry Morton Stanley achevait de tuer un homme. Un jeune porteur, quinze ans peut-être, un Bembe de Mindouli, recruté à Matadi. Pas le temps de comprendre. La peau douce partout éclatée. Les hautes herbes éclaboussées de cris, de larmes et de sang rose. Les chiens mirent un certain temps avant de relâcher les membres sveltes et inanimés. Le garçon avait eu plus peur d’eux que de la mort, les chiens l’avaient toujours effrayé. Le corps fut laissé là.
La caravane se remit en marche. Cinq-cent-soixante-cinq kilomètres environ – selon les estimations de Stanley – avaient été gagnés sur le mystère africain depuis le début de l’expédition. On imagine à peine quel degré de haine pouvait, en 1883, à la solde du roi des Belges Léopold II, motiver une telle progression d’hommes dans les jungles de l’Afrique équatoriale. Une haine blanche, malade, grelottante dans l’insupportable chaleur, fiévreuse, chiasseuse, cadavériquement maigre et exaspérée à la dernière extrémité par les insectes humides et criards. Une haine blanche assoiffée de pays qu’elle haïssait comme sa propre vie, qu’elle haïssait comme on aime, obscène et frissonnante d’excitation.
Stanley n’avait eu aucune raison particulière de tuer ce porteur. Stanley était un explorateur. Stanley avait retrouvé Livingstone. Stanley était un aventurier. Stanley était mondialement connu. Stanley était un monstre. Un minotaure creusant son labyrinthe, exigeant corps et terres à mesure que croissaient sa gloire et sa puissance. Le minotaure est le monstre d’un roi. Le roi est le monstre d’un monde. Le monde dévore ses enfants. Ainsi commença l’histoire de l’Occident. Ainsi s’achèvera-t-elle. En Afrique subsaharienne, dans les années 1880, les mugissements de haine de Stanley annonçaient aux hommes l’effondrement à venir et les morts par millions.
L’histoire qui suit n’est pas celle des victimes africaines de la colonisation. Celle-ci revient à leurs survivants. L’histoire qui suit est celle d’un suicide blanc dans un monde sans Christ ; celle d’un jeune homme oublié dans un labyrinthe de haine et d’aveuglement ; l’histoire du démantèlement et de la mutilation de Pierre Claes.
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Vidéo de Paul Kawczak
Rencontre avec Paul Kawczak - Salon du livre d'Arras 2020 Sur le thème de l'héritage du colonialisme.
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