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Critique de isasymai


Le titre de ce roman, tiré d'une des chansons les plus désabusées de Léo Ferré "Avec le temps" donne le ton de ce récit mélancolique, dont les premières pages débutent par la découverte de la mort de son héros, Thomas, enfin de son suicide aux Etats Unis. Jeune homme brillant, amoureux de Proust et de Nina Simone, pouvait-on présager d'une telle fin et aurait-on pu l'éviter?
Thomas et Nicolas son meilleur ami ont sympathisé lors des manifestations "anti Devaquet" de 1986.Catherine, la narratrice est la soeur de Nicolas. de 6 ans plus âgée, Normalienne, agrégée elle enseigne déjà en fac et revient de Yale. D'amie de Thomas elle deviendra brièvement son amante avant de redevenir une amie fidèle. C'est par ses mots que Thomas reprend vie l'espace de ce livre.
Thomas lui aussi veut faire "Normale Sup".Pour sa mère il ne peut que réussir, moralement il le lui doit. Nicolas réussira, lui, échouera, 2 fois. Pour Thomas c'était Normale Sup ou rien. Ce sera pire. Mais pas tout de suite.
Facilement reçu à Sciences Po ,Thomas décide de partir aux Etats Unis, où il est admis à Columbia. Intégrer une des facultés de l'Ivy League, un rêve devenu réalité, qui devrait effacer la tâche laissée par son échec parisien. Mais tout n'est pas si simple car Thomas n'est pas comme tout le monde. Thomas c'est Proust son idôle du XIX égaré sur les campus américains du XX eme siècle. Malgré toutes ses conquêtes féminines, l'admiration de ses étudiants, , malgré ses amis et connaissances qui s'évertuent à l'aider à décrypter les us et coutumes des universités et de la vie américaines, Thomas reste en perpétuel décalage. Son intelligence brillante, ses idées géniales, son imagination débordante, ne suffisent pas à effacer son impulsivité et son inaptitude à entrer dans le concret des choses. Au contraire, elles l'en éloignent peu à peu.Seuls la littérature, la musique et l'amour l'intéressent. Ce n'est pas un carrièriste, et dans ce monde universitaire aux places si convoitées il ne fera pas les bons choix.Il ne sait pas et ne peut pas les faire. Il évolue, tel un enfant avec un sentiment de toute puissance qui l'exonérerait des nécessités de la vie réelle qu'il ne cesse de reporter.S'il a largement les moyens intellectuels de ses ambitions, il ne sait pas les concrétiser.Malgré une relative bienveillance du système universitaire américain à son égard, malgré des amitiés constantes et bien placées, les universités et les postes qu'il sera contraint d'accepter seront de moins en moins prestigieux et rémunérateurs alimentant un sentiment d'abandon et de solitude en partie imaginaires, car Thomas est malade et il ne le sait pas. Quand le diagnostic tombera, il sera trop tard, et dans le fonds aurait-il vécu si intensément?
J'avoue que la première lecture ne m'a pas enthousiasmée. Je ne me suis pas sentie d'emblée intéressée par la vie de Thomas Bulot, ni par ces paysages d'une Amérique de dépliant touristique de New York à Salt Lake City ni par ce diagnostic de bipolarité qui dans nombre de romans suffit à expliquer les errements des personnages.
Néanmoins ce livre m'ayant été offert par Babelio (que je remercie au passage) j'étais redevable d'une critique et je l'ai relu. Je ne le regrette absolument pas. le "tu" que la narratrice utilise et qui m'a un peu gênée la première fois, m'a rendu le personnage de Thomas beaucoup plus proche plus authentique et touchant dans sa vulnérabilité. C'est finalement un livre d'une grande sensibilité et de délicatesse au style très fluide et musical.
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