-Je voulais dire : les filles et moi. » Emerge alors du fond de sa gorge un rire qui sonne comme un aboiement, la négation explosive de ce que je viens de dire. Il poursuit, moins explosif, mais plus sinistre « Tu ne me prends pas ma fille. » Ma fille. Au singulier
Tu ne veux plus voir Freddie dans les parages,c'est ça ? Tu ne veux plus la voir du tout ?
Je veux la revoir dans la chaise haute que j'avais sortie du grenier. Je veux la revoir sourire derrière un masque de purée de pêches, tendant une main minuscule vers la cuillère Pierre Lapin que j'avais achetée avant sa naissance. Je veux la revoir heureuse et innocente, un bébé qui n'a pas encore été écrasé par le poids du monde.
Lorsque les êtres humains se retrouvent dans des situations extrêmes ou traversent un traumatisme personnel, un déclic se produit. Un mécanisme s'enclenche. Même les plus introvertis s'ouvrent et mettent leur âme à nu.
Le paradoxe est pourtant enfantin : les emplois disparaissent, alors que les gens sont de plus en plus nombreux. [...] Que ferons-nous des personnes qui ne sont plus nécessaires ?
"Se diriger" n'est pas le bon mot. Elle fuit, file, se défile. Quelque chose avec un f, furtif comme un animal nocturne.
« Ça va aller, ma puce. » Je prends ma voix la plus douce, une voix qui lutte pour surmonter, celle, laide qui s’est adressée à mon mari, qui l’étouffe et se bat pour garder le contrôle. « On mangera de la glace à la maison. Et après, on regardera un film de princesses, d’accord ? »
Glace et princesses, mon cul. Ce que j’ai en tête ressemble plutôt à des guerrières amazones et des coups-de-poing américains.
Les cars jaunes ne passent qu’une fois par mois, le lundi qui suit le vendredi des tests. Ils ne reviennent pas en fin d’après-midi.
Ils ne reviennent jamais. Pas avec leurs passagers, en tout cas.
Une insoluble question qui me taraude encore quand je pénètre dans la résidence des enseignants : aurais-je cru ma grand-mère si je n’avais pas vu le contenu de cette enveloppe.
Les êtres humains font des choix ; les animaux suivent leur instinct.
Je me demande quelles espèces survivront.
Les enfants sont résistants. C’est une bonne chose : ils tombent, se relèvent, s’époussettent et recommencent. Mais cette résistance entraîne aussi une certaine insensibilité, une acceptation et une tolérance à la douleur. Aux yeux d’Anne, le sort de ceux qui échouent paraît normal. Une situation qu’il faut savoir encaisser. Jusqu’à aujourd’hui.