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Critique de raton-liseur


C'est un étrange projet littéraire que celui de Louis-Philippe Dalembert. Ecrivain haïtien exilé et ayant d'ailleurs enseigné à Milwaukee pendant un temps, il utilise comme matériau littéraire la mort tragique de George Floyd pour nous raconter la ségrégation toujours à l'oeuvre aujourd'hui aux Etats-Unis, même dans le nord du pays, et pour nous dire la vie d'un homme noir issu des quartiers pauvres. Une figure imaginaire, celle d'Emmet, qui meurt sous le genou d'un policier, permet de rassembler dans un même bouquet mortuaire les voix de ceux qui l'ont connu (ses amis d'enfance, une de ses enseignantes, son entraîneur, sa petite amie de l'université…), de ceux qui ont participé au drame (le gérant de la supérette, le policier), mais de faire le lien aussi entre toutes les générations du combat contre la ségrégation, depuis ceux qui ont participé aux marches de Martin Luther King à Black Lives Matter, sans oublier ceux qui se battront demain.
Louis-Philippe Dalembert a su m'entraîner dans le sillage de cet homme qui aurait voulu s'en sortir mais que sa rage même de vaincre les mauvais auspices a perdu et a ramené à sa condition première. C'est le livre de beaucoup de douleurs, centré sur la vie d'Emmet dans les deux premières parties, puis sur l'organisation de ses funérailles et de la marche qui la suit dans la troisième partie (qui représente près de la moitié du livre). Une dernière partie qui oscille entre l'amertume d'un combat sans cesse renouvelé, une espérance quasi-mystique et aussi l'espoir tout simple que les choses changent enfin.
Une lecture par moment assez dure, mais finalement surtout pleine d'une grande tendresse et d'un optimisme qu'il est parfois difficile de partager vu le sujet, mais qui fait du bien car il redonne espoir. Un livre qui plaide pour l'implication de chacun et qui cherche, à sa manière, à lutter contre la tentation de l'enfermement et du rejet, contre ce qu'il est de bon ton d'appeler aujourd'hui le communautarisme. Encore une fois, malgré le sujet, et malgré une conclusion loin d'être idéale, c'est un livre de réconciliation, plein d'idéalisme sans être naïf. Une belle réussite, un pari risqué mais à mon avis gagné. Un beau livre, qui a souvent été recommandé par les libraires et qui effectivement mérite d'être lu, un livre qui fait du bien là où on ne s'y attend pas.
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