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Critique de colimasson


Maurice Dantec se dissimule sous le prétexte d'un techno-thriller aux enjeux géopolitiques pour nous préparer à accepter son fantasme science-fictionnel - mais n'est-ce vraiment que le sien et non celui assez propre aux sociétés hantées par le surmoi maternel ? le style baroque et enfiévré, humide et chaud, ne suffit cependant pas à me convaincre que Big Mother en flux libres pourrait devenir ma délectation. Les fantasmes de Dantec sont tout simplement mes cauchemars. Rêves d'intelligences artificielles incarnées, féminines, maternantes, baisantes, aux identités infinies connectées au cloud universel du « Serpent cosmique » d'après les spéculations pseudochamaniques de Jérémy Narby. Gilles Deleuze surplombe également le roman avec sa thèse selon laquelle « le schizophrène se tient à la limite du capitalisme : il en est la tendance développée, le surproduit, le prolétaire et l'ange exterminateur ». Rêverie romantique s'il en est, et passablement peu éthique dans l'instrumentalisation ainsi opérée d'une forme de structure incorporée du langage qui ne relève pas de la décision volontariste militante.

Technolâtrie, culte de la femme et réalisation de l'harmonie cosmique : Maurice Dantec semble rêver à l'avènement de la « Maman-machine ». Big mother is loving you et veut que tu jouisses par tous les trous de cette immaculée vierge qu'est la machine aux infinis megabits. Maurice Dantec part en couilles : « Marie est schizo, monsieur Toorop. C'est une chaman du XXIe siècle, si vous préférez. » Par la sélection opérée du truchement de la technologie et de la schizophrénie, une nouvelle humanité, évidemment meilleure (et sans doute non patriarcale, opérant ainsi la congruence du progressisme féminolâtre au réactionnarisme pré-oedipien) pourrait venir remplacer l'ancienne dans un holocauste définitif. « Que vous le vouliez ou non, Marie Zorn est le futur de l'humanité ». La régénération par la femme totale. Tous pompés par la grande couveuse dans la régression infinie vers le placenta collectivement nourricier. « Ceux […] qui sont capables d'accepter le contact avec le Serpent Cosmique, d'accepter leur état multi-identitaire et la nature du cerveau humain, ceux-là ont d'après elle une chance de passer au travers des mailles du filet, du réseau que les jumelles, et leurs descendants, vont tisser entre eux, et toutes choses dans l'univers… »

L'attirance de Dantec pour le point Oméga le dessert, quand bien même ses déclarations sur le monde, ici et ailleurs, purent être assez sensées en leur temps. Je le préfère anti-fictionnel, si c'était possible.
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