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Critique de Isacom


"Le premier savait raconter, au point qu'il a réussi à faire oublier son crime, alors que le second était un pauvre illettré que Dieu a créé uniquement, semble-t-il, pour qu'il reçoive une balle et retourne à la poussière, un anonyme qui n'a même pas eu le temps d'avoir un prénom."
C'est fascinant, ce que fait Daoud dans ce roman : ré-inventer toute une histoire pour cet Arabe anonyme tué par "L'Étranger" de Camus.
Il s'appelait Moussa Ould-el-Assasse. Il avait une mère, M'ma, un petit frère, Haroun. C'est le petit frère qui raconte, 70 ans après, devenu un vieil alcoolique qui radote dans un café d'Oran… Ce roman est d'abord la biographie intime d'un enfant qui a grandi dans la solitude, sous l'emprise d'une mère endeuillée.
C'est aussi un roman historique, qui raconte une enfance pauvre dans l'Alger des colonies : "Nous, petite collection de poux, perdus sur le dos d'un immense animal géologique qui était la ville et ses mille ruelles."
Et un roman historique qui nous plonge dans le flot de la guerre d'Algérie et de l'Indépendance :
"Peut-être la bonne question, après tout, est-elle la suivante : que faisait TON héros sur cette plage ? Pas uniquement ce jour-là, mais depuis si longtemps ! Depuis un siècle pour être franc."
Haroun a aussi été un meurtrier, et comme Meursault il a été suspect, non du crime, mais d'une faute morale : pour l'un, de n'avoir pas pleuré sa mère ; pour l'autre, de n'avoir pas rejoint le maquis.
Fascinants tous ces parallèles que dresse Daoud, à commencer par l'invention de ce livre :
"Le titre en était L'Autre, le nom de l'assassin était écrit en lettres noires et strictes, en haut à droite : Meursault." Et d'évoquer la prononciation de Meursault en arabe, "El-Merssoul, l'envoyé ou le messager."
Il y a beaucoup de choses à tirer, donc, de cette double lecture : celle de "L'Étranger" et celle de cette contre-enquête, dans laquelle Daoud relit le roman de Camus "en le faisant pencher de côté pour en faire tomber les détails invisibles."
J'ai apprécié la belle écriture, très littéraire je dirais, mais qui n'échappe pas à quelques longueurs – telle la conversation d'un vieil alcoolique rencontré dans un café d'Oran...
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