AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de finitysend


L'archipel des hérétiques est une superbe lecture historique , c'est un must absolu qui intéressera les amateurs d'histoire des marines européennes au 17e siècle et ceux , plus ciblés qui comme moi sont des afficionados de l'histoire des Pays-Bas ( Geschiedenis van het Nederlanden ) . Un texte qui ne manquera pas aussi de pousser la réflexion sur les terres de la curieuse fragilité de la nature humaine et de celle non moins fragile de l'éthique , face aux brusques ruptures des sociétés organisées et de leur structures répressives et pourvoyeuses de nécessités nécessaires .

Deux choses :
- Cet évènement hyper documenté est aussi l'objet d'une publication sympathique mais assez succincte de Simon Leys ( le naufrage du Batavia ) qui évoque en introduction cet ouvrage : « L'archipel des hérétiques « , en disant de lui : que c'est le livre qu'il aurait voulu écrire sur ce thème .
- Ensuite , avec : le radeau de la méduse ( chez folio ) et Les naufragés de l'aventure de Guillaume Lesquin , c'est un des récits de naufrages parmi les plus spectaculaires , les mieux documentés et les plus édifiants pour ce qui est de la densité de leur valeur historique , et pour ce qui est aussi du caractère fascinant , très attractif et très vivant que procure leur lecture ...

Le Batavia , est un « indiaman « , c'est un vaisseau de la compagnie néerlandaise des indes orientales ( Vereenigde Oost-Indische Compagnie ) . C'est-à-dire que c'est un des plus gros navires qui ai jamais vogués sur l'océan . C'est un monstre armé de 30 canons , il fait dans les 1200 tonnes avec 3 mats et il embarque 350 passagers ( les deux tiers étant des marins et des soldats de la compagnie ) .

Une des rares choses capables d'arrêter sa course aux épices et son élan vers la rentabilité financière ( il n'embarque pas moins de 250000 florins lourds ) , c'est un naufrage .
Dans la nuit du trois au quatre juin 1629 , le navire heurte un haut fond dans l‘archipel des Abrolhos , à 80 kilomètres de la cote australienne alors encore inconnue des marins et des géographes , en direction de laquelle les navires en route pour l'actuelle Indonésie exécutaient traditionnellement , une sorte de Volte , pour remonter de ces parages , vers l'ile de Java , au nord-est .

Littéralement encastré , le bateau ne parviendra pas à se dégager . Il sera disloqué par le ressac en quelques jours , mais les passagers et l'équipage seront débarqués sur l'archipel , qui est une suite de bancs de sable sans végétation significative plus que un ensemble de véritables iles et ilots paradisiaques ...

Il y aura très vite deux groupes de réfugiés sur deux iles éloignées l'une de l'autre de 10 kilomètres , Une chaloupe est parti vers Java ( au moins deux mille cinq cents kilomètres d'océan ) .
Une mutinerie était en cour de réalisation avant le naufrage dont elle la cause indirecte d'ailleurs . Cette situation d'insubordination larvée et la supposée trop forte densité de naufragés sur l'ile , causeront un hallucinant carnage qui comprendra des meurtres , des combats entre refugiés et la souscription de certains à une prédication d'essence protestante mais dans la mouvance de la réforme radicale .

Pendant que sur l'archipel les rescapés se livraient à la guerre , à la passion religieuse et aux pathologies les plus spectaculaires , et qu'ils reconstituaient dans une violence hallucinatoire et rationnelle ( fonction des acteurs et des moments ) un véritable microcosme de l'histoire de l'humanité , les voyageurs en route pour Java , marins experts , parviendront à rejoindre les indes néerlandaises et donc à faire lancer une expédition de secours destinée à récupérer florins et naufragés .

Je me suis lancé dans ce petit résumé pour vous convaincre de ce que c'est un récit très vivant , riche en rebondissement et assez spectaculaire . Mais voici encore le petit résumé du dénouement :
Lorsque les navires de secours seront rendus , le groupe des mutins tentera de s'emparer d'un des navires ce sera un échec et Pelsaert ( le premier du Saerdam) , officier du second navire de secours ,
Fera juger sur l'archipel selon une enquête et un procès dans les règles et dans les formes , les différents auteurs de débordements en rapports avec les massacres initiés par le groupe des mutins .

L'équipage et les passagers sont véritablement un microcosme des Pays-Bas de l'époque . du fait des nécessités du jugement et de la qualité des passagers on connaît assez en profondeur les profils sociaux culturels et psychologiques de certains passagers . C'est ce qui permet à l'auteur de se lancer dans une des meilleures études historiques que j'ai jamais lu .

Dans un texte hyper détaillé qui tient du récit vivant et du minutieux récit circonstancié , l'auteur dégage du sens en faisant vibrer l'époque et l'histoire . L'histoire avec un grand H , telle que celle des indes néerlandaises , l'histoire religieuse très spécifique des Pays-Bas au siècle d'or , les univers de marins et ceux des grandes navigations spectaculaires , la géographie politique de l'époque , la structuration sociale et socio-économique « der nederlanden « , des pays bas , du grand siècle hollandais , sans oublier la faiblesse de l'illettrisme dans ces territoires et la complexité des formes financières des sociétés en parts , des comptabilités de l'époque et des lieux , comme des règles du mariage et j'en passe....

En historien brillant et au plus près des documents , auxquels il se réfère constamment de manières habiles , pour le plus grand plaisir du lecteur exigeant , L'auteur donne une étude époustouflante et vibrante , qui nous transporte à la fois dans l'océan indien et dans un passé révolu et dépaysant .

Bref : de Texel à l'océan indien via le Cap de Bonne Esperance au 17e siècle , un récit de mer et de tempête , haut en couleur .
PS : Faites une petite recherche internet à : Naufrage du Batavia , pour découvrir le paradisiaque lieu de ce naufrage en enfer où les hommes furent pires que la nature , et où finalement , ils furent tels que eux seuls savent l'être .
Commenter  J’apprécie          463



Ont apprécié cette critique (44)voir plus




{* *}