Je cours sur les eaux du fleuve,
les noyés m'encerclent;
des plumes de rapaces se mêlent à mes cheveux
quand je m'élance dans de longues chevauchées.
Je suis là, debout sur un tapis de pissenlits,
les mots se sont perdus dans ces temples oubliés;
Hier, nous étions seuls et indécis *,
aujourd’hui, deux ballerines aériennes
se mêlent à la lumière;
tout ce que nous dansons nous appartient
* Borduas, Refus global
Les religieuses squattent les terrains des Indiens,
elles crient au viol;
je suis au milieu des fées noires
qui affectionnent le fouet et la laisse,
poursuivent les enfants abandonnés,
leurs veines remplies de métal,
le cœur obstrué par des oiseaux.
Vies jetées, arbres rabougris,
une fillette, sa corde à danser
un nœud coulant, branche minuscule,
des mèches de cheveux;
le passé des épines me reprend :
mes parents en jeunes mariés encerclés.
Ils ont rêvé Dieu, les pieds mouillés,
j’ai brûlé de leur propre feu
les clavicules désarmées; je n’écrivais pas mon journal,
je documentais les faits à voix haute.
Son coeur sectionné. Absente à sa mère, à sa soeur, seul le souvenir poétique demeure.
En fait, elle ne se confie à personne. Car certains plaisirs sont tout ce qu'elle n'a jamais possédé. Elle les porte à sa bouche quotidiennement.
C'est peut-être simplement l'envie qu'elle tient si près d'elle. Cette continuelle impression, de très loin, lui vient d'une étrangère.
Tu manges avec elle dans l'après-midi graisseuse. Tu la regardes. Elle est toute noire et décidée dans son corsage moiré en filet, réelle en tout cas dans son film. Les mécanismes de sa fiction autant que de sa jupe et de ses bottes de cuir noir, sa jouissance à énoncer la misère d'une jeune révoltée. D'où son film la sauve-t-elle? D'aucun roman, mais de beaucoup de romanesque.
Folle des arcades, elle connaît les beautés qui circulent entre les édifices de l'est.