Citations sur De l'assassinat considéré comme un des beaux-arts (13)
De malencontreux empêchements surgissent ; les gens n’acceptent pas qu’on leur coupe tranquillement la gorge ; ils s’enfuient ; ils se débattent, ils mordent ; et alors que le portraitiste a souvent à se plaindre d’un excès de torpeur chez son sujet, l’artiste qui nous concerne est généralement embarrassé par un excès d’animation.
(Le narrateur, expliquant que le meurtre d'un enfant de cinq ans est plus intéressant artistiquement que le meurtre de Kant)
Un vieux professeur, se dit-il, pouvait être chargé de péchés. Non pas un jeune enfant. Sur cette considération, il (le meurtrier) se détourna de Kant au moment critique et peu après assassina un enfant de cinq ans. Telle est la version allemande de l'affaire ; mais mon opinion à moi, c'est que l'assassin était un amateur, qui sentit combien il serait de peu de profit pour la cause du bon goût d'assassiner un vieux métaphysicien aride et desséché ; il n'y avait là nulle possibilité d'effet, étant donné que l'homme ne pourrait pas ressembler plus à une momie une fois mort, qu'il ne l'avait fait vivant.
(Parlant de Hobbes, regrettant que les "professionnels" n'ait jamais réussi à l'assassiner)
Hobbes - pourquoi et d'après quel principe, je n'ai jamais pu le comprendre - ne fut pas assassiné. C'est là une inadvertance majeure des professionnels du XVIIe siècle ; car c'était à tous égards un beau sujet d'assassinat.
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Cependant, messieurs, encore qu'il ne fut pas assassiné, je suis heureux de pouvoir vous assurer que (selon son propre compte) il fut trois fois tout près de l'être, ce qui est consolant.
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Il est certes parfaitement vrai qu'un homme mérite une rossée pour avoir écrit Léviathan, et deux ou trois rossées pour avoir écrit un pentamètre qui se termine aussi vilainement que par "terror ubique aderat"! Mais personne ne l'a jugé digne de mieux qu'une rossée.