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Critique de Pistolero


LES JEUX ET LA BOMBE : End Zone - Don DeLillo (édition Actes Sud)
Violence des échanges en milieu tempéré

Gary Harkness est étudiant à l'université de Logos (« langage en tant qu'instrument de la raison », il y a un indice quant à ce qui va venir), Texas. Il a la vingtaine, il est aussi footballeur. Celui où l'on s'arrête de jouer toutes les 15 minutes, où l'on s'arrache comme un gladiateur, où l'on se rentre dedans, où l'on prend des coups, où on se pète les dents, se poche les yeux, se casse le nez. Ce genre de football. le football américain. le jeu auquel on ne comprend rien en Europe, le foot du pays où rien n'est normal, où tout est démesuré.

Les angoisses de Gary elles aussi sont démesurées. Gary joue au foot, sort avec Myna et pense à la bombe. Pense à l'extermination massive des populations civiles, à la fin de la civilisation, aux retombées radioactives, aux villes désertées, à la fin de toutes vies (exceptée celles des insectes). Ces obsessions ne sont pas celles d'un psychopathe, mais celles d'un jeune américain des années 70. Celles d'un jeune homme qui a vécu, et subit les retombées géopolitiques et géostratégiques de la guerre froide, comme toute une génération largement oubliée aujourd'hui - et remplacée par une génération pleurnicharde qui pense être la seule à avoir peur de la fin du monde (fin de diatribe).

Entre métaphysique, art de la guerre au temps de la domination nucléaire, violence du jeu, réflexion sur la mort et le langage, le langage de la mort et la mort du langage, Gary essai de trouver un sens à sa vie.

End Zone, la zone de touche en football américain est le second roman de Don DeLillo. Jamais traduit pour cause de suppositions fumeuses (« on ne comprendrait pas le roman en France puisque l'on ne comprend rien au football américain ») il rejoint finalement ses pairs en traduction. Il était temps, c'est certainement un de ses meilleurs livres, et autant dire qu'il ne parle pas vraiment de football.

End Zone évidement, comme tous les romans de DeLillo est un prétexte pour analyser - a la manière bien particulière de son auteur - la vie aux États Unis à cette époque, la vie en général et l'état du monde.
Un roman politique, philosophique et linguistique. A la manière de Bruit de Fond, récemment adapté au cinéma, End Zone s'attaque au langage comme fondement biaisé et corrompu du monde et des idées que l'on nous impose. Et c'est un rien brillant il va sans dire.

On retiendra surtout (et c'est un paradoxe) le chapitre où l'auteur décrit un match de foot américain, à la fois incompréhensible et hilarant (les mots, là encore, leur absurdité, leur non sens, hormis dans un environnement donné, l'obsessionnelle spécialisation du langage humain), ainsi que celui d'un jeu de stratégie que le personnage principal engage avec un officier de l'armée de l'air dont il est ami. Deux passages qui sont comme deux miroir de la folie et de la brutalité humaine, à deux échelles différentes.

J'ai adoré.
C'est à lire, évidement !
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